Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

BASTARD, Élisée, Joseph, Michel “François PICHANCOURT”

Né à Bornel (Oise) le 20 janvier 1871 — mort le 4 janvier 1957 — Ouvrier polisseur ; maraîcher — Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) — Londres — Mougins (Alpes-Maritimes)
Article mis en ligne le 11 août 2011
dernière modification le 16 octobre 2024

par R.D.
Élisée Bastard

Fils de Joseph et de Louise Adelaïde Michel, ouvrier polisseur à l’usine Christofle de Saint-Denis, Élisée Bastard qui aurait résidé à Villeneuve-la-Garenne, et chez ses parents au 23 rue du Canal à Saint-Denis, où la famille occupait « un modeste logement donnant sur un jardin que cultive le père, maraîcher de son état », avait été fiché dès le début ds années 1890. comme un anarchiste « très militant, ayant des habitudes de déplacement ».

Il avait commencé à travailler chez un boucher et avait été condamné le 24 mai 1889 à 6 jours de prison pour avoir volé un beefsteak chez son patron.

Le 19 février 1891, lors du tirage au sort à Saint-Denis, plusieurs compagnons anarchistes dont Élisée Bastard avait bruyamment manifesté aux cris de « A bas la patrie ! Vive l’anarchie ! », ce qui lui valut d’être poursuivi le 23 mars suivant avec Arthur Voyez, Nestor Ferrière, François Collion, Henry Decamps, François Pernin et Charles Galau. Tous furent acquittés à l’exception de Decamps condamné à 15 jours de prison. Il avait quitté à cette époue l’usine Christofle et était sans emploi.

Le 1er mai suivant il avait fait partie d’un groupe de compagnons qui, à Levallois-Perret, avaient tiré au révolver sur les agents. Etant parvenu à s’enfuir il avait gagné la Belgique puis Londres, où, n’ayant pu trouver du travail, il était revenu à Bruxelles avant de regagner Saint-Denis en novembre 1891. En octobre il avait été signalé à Reims chez le compagnon Hamelin.

Il ne s’était pas présenté au tirage au sort et avait déclaré son intention de ne pas aller sous les drapeaux. Le 15 février 1892, avec 4 autres compagnons il était allé perturber un tirage au sort et avait protesté aux cris de « Vive l’anarchie ! Vive l’Internationale ! » contre l’arrestation d’un compagnon qui diffusait le journal Le Conscrit, ce qui lui avait valu d’être arrêté à son tour.

Le 23 février 1892, suite au vol de dynamite à Soisy-sous-Étioles il avait été l’objet d’une perquisition qui n’avait donné aucun résultat.

Début mars 1892 il avait accompagné à Londres le frère du compagnon Decamps, déserteur d’un Régiment de dragons à Nantes.

Puis le 23 mars il avait été arrêté à l’atelier de l’usine Hotchkiss et détenu à la prison de Saint-Denis et au dépôt. Il avait été inculpé de « destruction volontaire d’édifice public » (attentat contre la caserne Lobau) et d’un vol commis à Nantes. Il avait pu aisément prouvé qu’il n’avait rien à voir avec ces faits. Il fut néanmoins transféré à Maezas où il était resté « douze jours au secret le plus absolu, sans voir personne, sans même que ma mère pût me fauez passer de la nourriture… ». Il fut remis en liberté le 5 avril. Au journaliste qui l’avait alors interrogé et qui le présentait comme « un jeune homme…à figure sympathique et qui dès le premier abord nous apparaît comme très intelligent », il avait précisé que le juge d’instruction lui avait demandé s’il connaissait Ravachol ce à quoi il avait répondu par la négative, ajoutant « J’ai peut être bien vu Ravachol soit chez les Chaumartin, soit aux réunions de notre groupe, mais je pourrais le reconnaître si j’étais mis en sa présence, mais nous n’avons jamais eu de relations ». A propos de Simon dit Biscuit, il avait ajouté que c’était « un pauvre diable qui est la bonté même dont il souhaite vivement la mise en liberté » (cf. L’Intransigeant, 7 avril 1892). A la suite de cette arrestation Bastard avait été licencié de l’usine Hotchkiss.

Mis sous étroite surveillance, la police ajoutait qu’il portait « constamment sur lui un révolver et se faisait appeler Gaston Edmond Roger ».

En mai il serait allé rejoindre le compagnon belge Désiré Pauwels à La Chaux-de-Fonds, puis serait allé à Nancy et aurait travaillé aux carrières de Varangéville (Meurthe-et-Moselle), dans le service de Paul Reclus.

Revenu à Saint-Denis en décembre 1892 il participa à la défense de Forest, condamné à mort, pour lequel il avait rédigé plusieurs placards.

A l’automne 1892, il avait été signalé comme étant à New York (108e Avenue, West Street 76) ??.

En août 1893 il fut candidat abstentionniste à Saint-Denis (ou à Neuilly) notamment contre Maurice Barrés, candidat boulangiste. Il avait notamment été arrêté avec 4 autres compagnons dont Rousset en train d’afficher des placards près de l’hôtel particulier de Maurice Barrès et en était venu aux mains avec des membres de son personnel voulant arracher les affiches. Barrès avait alors porté plainte les accusant d’avoir voulu piller son hôtel. Lors du procès le 23 septembre, Bastard, comme Rousselt n’avaient écopé que d’une peine de 6 jours de prison et d’une amende de 50 francs pour « coups et blessures ».

Le 29 octobre 1893, lors du meeting tenu à la salle du commerce pour protester contre l’exécution en Espagne de P. Pallas (voir ce nom) et de l’acte commis par Léauthier, Bastard s’était adressé au commissaire présent dans la réunion en ces termes : « On m’a dit qu’il y a dans cette salle un commissaire de police flanqué de trois sbires. Est il venu pour écouter ce que l’on dit ou pour m’arrêter après ? Ou est il venu pour se faire sauter comme ses copains de la rue des Bons Enfants ? Si vous êtes venus ici pour écouter ce que l’on dit, alors écoutez moi bien, je veux vous donner un bon conseil : ce soir, en rentrant chez vous, dans votre bureau, foutez un grand coup de pied à la table et dites merde pour ce sale métier, et rentrez dans la vie des travailleurs comme nous ». Puis avant de prendre à partie la bourgeoisie, il avait également incité les journalistes présents à ne pas écrire des mensonges terminant par « Vaches de journaleux, tâchez donc de bien faire votre métier de mouchard ! »

Le 4 décembre, lors d’une réunion tenue rue de Charenton, il avait fait l’apologie de Ravachol, Léauthier et Marpeau et avait crié « Vive l’Internationale ! Mort aux bourgeois exploiteurs !”.

Le 1er janvier 1894, lors de la rafle suivant l’attentat de Vaillant à la Chambre des députés, il avait été, avec son père Joseph, l’objet d’une perquisition où la police avait saisi quelques numéros de L’En Dehors, un exemplaire de La Revue anarchiste, quelques affiches et la brochure La Morale socialiste, mais les avait laissé tous deux en liberté. La police ajoutait que « au dessus de son lit étaient collées au mur diverses illustrations représentant l’explosion au Palais Bourbon, l’arresation de Vaillant et ailleurs les portraits de François dit Francis et de Meunier ». Il était également signalé qu’il était en « relations suivies avec les anarchistes réfugiés à Londres qui lui envoient, en lui laissant le soin de les distribuer, divers manifestes ».

Suite à une explosion survenue rue Saint-Jacques, il avait échappé à la rafle du 20 février 1894 où avaient été perquisitionnés et arrêtés près de 2.000 militants dans toute la France et avait été déclaré « en fuite ». Sur la porte de son logement il avait laissé la note suivante : « J’ai le regret de ne pouvoir rester à la maison pour vous recevoir comme vous le mériter, mais ma maîtresse, Liberté, me réclame ailleurs ». Il avait été arrêté le lendemain 21 février au restaurant de Duprat, avec les compagnons Henri Léon Guérin, gérant de la Revue Libertaire, Lucien Bécu et les belges Lucien Pierre Lagasse, électricien, et Charles Meyer, ouvrier tailleur. Présenté aux témoins de l’explosion, Bastard n’avait pas été reconnu.

Selon Rudolf Rocker qui, en 1894, résidait à Saint-Denis, et qui lui avait été présenté par Jean Wollmann, il était alors « L’un des orateurs anarchistes les plus connus de cette période et un excellent camarade ».

En août 1894 il fut impliqué dans le procès des trente mélant théoriciens de l’anarchisme (19) et voleurs de droit commun (11). Vingt cinq comparurent — Sébastien Faure, Jean Grave, Julien Ledot, Charles Chatel, Gustaf Aguéli, Élisée Bastard, Paul Bernard, Georges Brunet, Gabriel Billon, François Soubrié, Pierre Daressy, Albert Tramcourt, Raoul Chambon, Joseph Molmeret, Félix Fénéon, Louis Matha, Léon Ortiz, Orsini Bertani, Paul Chiericotti, Annette Soubrier, François Liégeois, Toinette Cazal, Marie Milanaccio, Victorine Belloti, Louis Belloti. — et cinq furent jugés en contumace — Paul Reclus, Constant Martin, Émile Pouget, Louis Duprat, Alexandre Cohen.

Il fut acquité comme la plupart des accusés (à l’exception de 3 illégalistes, (voir Ortiz et Chericotti) et se réfugia à Londres où il résida entre autre 32 Robert Street.

Dans les années 1890 il figurait sur une liste d’anarchistes établie par la police des chemins de fer en vue de la surveillance des déplacements de ces militants.

En 1900-1901 il avait été maintenu sur la liste d’anarchistes de la Seine.

Dans une note de police en date du 28 mars 1913, il était indiqué qu’il habiterait la Normandie, à 18 kilomètres de Rouen « dans une bonne situation — on le dit riche même ». La police ajoutait que « bien que depuis longtemps retiré du mouvement [il avait] L’intention de se livrer, ainsi que Ouin (s’agit il de Joseph ?), à une vive propagande antimilitariste contre la loi de 3 ans et à l’occasion du 1er mai ». Toujours est il que grâce à sa « fortune », Bastard avait acquis à Mougins (Alpes-Maritimes) pour 150.000 francs la villa Les Grottes et divers propriétés plantées de fleurs, légumes et vignes.

En 1917 il quittait son domicile de la rue Piat pour se retirer à Mougins où au milieu des années 1920 il écoulait ses produits sur les marchés de Cannes. Il était alors marié à Gabrielle Marie Lemaire et était le père de 6 enfants. Selon la police il aurait été « autrefois armateur au Havre ». Bien que n’assistant à aucune réunion et s’abstenant de toute propagande, bastard, qui était alors abonné au journal communiste La Voix Paysanne, il était considéré à Mouggins comme « un anarchiste convaincu ».

Dans les années 1920 la polie le signalait à Paris, rue Piat (XXe arr.). Il aurait utilisé le nom de François Pechancourt (ou Pichancourt).

Élisée Bastard est décédé à Bourganeuf (Creuse) le 4 janvier 1957.


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