Fils d’émigrants italiens au Brésil rentrés en Italie à la suite d’une maladie du père (décédé en juin 1906), Luigi Ballarin et son jeune frère Giuseppe (né à Adria en juillet 1903), livrés à eux-mêmes sombrèrent dans la délinquance. Suite à deux condamnations (un jour et trois jours de prison) pour vol, Luigi fut placé en 1910 à la maison de redressement de Bosco Marengo (Piémont) où il apprit le métier de mécanicien puis effectua son service militaire dans une unité de tirailleurs (Bersaglieri).
A son retour de l’armée, où ilavait été surnommé Il Toscanino pour son plaisir à fumer des cigares Toscano, Luigi Ballarin, devenu anarchiste et franc-maçon, se retrouva plongé en pleine période révolutionnaire et de montée du fascisme. Arrêté et emprisonné à Adria le 3 septembre 1923 pour avoir chanté dans une auberge « des chants subversifs », il était libébé à l’été 1924, et après l’assassinat en juin 1924 du député socialiste Giacomo Matteotti, décidait de s’exiler en France.
Installé à Saint-Priest (Rhône) où il travaillait à l’usine Berliet, il allait y rencontrer sa future compagne Elisa Maniago (1906- 2000) dont il aura sept enfants. Actif lors de la campagne en faveur de Sacco et Vanzetti, il fut l’objet le 9 août 1927 d’un arrêté d’expiusion, puis, à la suite d’une série d’attentats (contre le consul d’Italie à Nancy, contre des fascistes à Juan les Pins et Golfe-Juan), il fut suspecté d’avoir participé à un atentat contre une voie ferrée et fut arrêté par la Sûreté lyonnaise.
Dès sa libération de la prison Saint-Paul à Lyon en janvier 1928, Luigi s’enfuyait à Bruxelles. Il fit ensuite venir sa compagne et ses enfants à Seraing sur Meuse (Belgique). Luigi qui travaillait alors dans les mines de fer de la région, habitait avec sa famille au café-hôtel Solazzi qui à Esch-sur-Alzette servait aussi de lieu de réunion à la communauté anarchiste italienne. Le 17 avril 1929 après avoir appris la mort de sa première femme en Italie, il épousait Elisa. Suite à un attentat commis le 9 mai 1930 par Gino D’Ascanio, un ami de Luigi, contre le chancelier de la légation italienne, Luigi, qui était fortement soupçonné d’avoir fourni le pistolet ayant servi dans l’attentat, fut l’objet d’arrêtés d’expulsion en août et novembre 1931 et fut finalement expulsé du Luxembourg en décembre 1931.
Luigi regagnait avec Elisa et les enfants clandestinement la région de Saint-Priets où en mars 1932 il était arrêté et incarcéré deux semaines à la prison de Vienne. Dès sa libération la famille partait pour Bobigny où ils furent hébergés dans une cave de la maison de Domenico et Angelo Materiale. En mai 1932 Luigi était arrêté et incarcéré une semaine à Lyon où il était retourné. Revenu à Bobigny où il avait trouvé un emploi de forgeron d’art, Luigi y fréquentait les réunions tenues par les antifascistes italiens salle Tagliaferri, rue Sacco et Vanzetti. En novembre 1933 il était condamné à une nouvelle peine de deux semaines de prison mais parvenait à obtenir un sursis à l’expulsion.
En octobre 1936 il décidait de partir pour l’Espagne où il s’intégrait à la colonne Giustizia e Liberta de Carlo Roselli où il autait fait la connaissance du compagnon Angiolo Bruschi. Luigi Ballarin serait rentré en France après les affrontements de mai 1937 avec les staliniens.
Devenu ouvrier étuvier à l’entreprise Fonderies et aciers de Noisy-le-Sec, et disposant depuis 1940 d’une carte de travailleur à faire tamponner tous les mois, Luigi, en mai 1943, après avoir rossé quelqu’un qui l’avait traité de fasciste et un passant qui s’était interposé, décidait de rentrer en Italie avec sa famille. Arrêté dès son arrivée au poste frontière Luigi Ballarin était interné à la prison de Tovigo, puis, le 18 août 1943 était condamné à trois ans d’internement aux îles Tremiti et fut finalement interné à Ancône d’où, le 2 décembre 1943, à la faveur d’un bombardement, il parvenait à s’enfuir et à rejoindre sa famille. Il aida par la suite des prisonniers anglais et américains à s’évader puis à passer en Yougoslavie et cacha même des soldats britanniques à son domicile ce qui lui vaudra un certificat d’honneur signée du Commandant supême des forces alliées en Méditerranée.
En mai 1944 il rejoignait les partisans dans la Brigade Martello du Corps des volontaires de la Liberté et participait à la Résistance dans la zone d’Adria et notamment aux actions pour empêcher le chargement des récoltes de grains à destination de l’Allemagne. Puis sour le nom de Gigi, il prenait le maquis à Venaria Reale (Piémont). Arrêté par les Allemands, il fut déporté en Allemagne au camp de concentration de Dachau. Il y survécut grâce à la solidarité entre concentrationnaires jusqu’à la Libération au printemps 1945 et revint à Adria où il fut chargé de la distribution des vivres à la population et où on lui proposa de devenir le Maire ce qu’il refusa et décida de rentrer en France.
Début 1946, après avoir mis dans le train pour Lyon trois de ses enfants munis de papiers français, il passait clandestinement en France n’ayant pas réussi à obtenir un visa. Lors du passage de la frontière il était attaqué, délesté de son argent par son compagnon de route qui le laissait pour mort en pleine montagne. Recueilli et soigné par un berger, Luigi, après s’être remis gagna immédiatement Paris.
En avril 1947 il faisait venir sa femme Elisa et le reste des enfants avec lesquels il allait loger dans des hôtels du XXe arrondissement. Le 5 mai 1947 la Prefecture de police et la direction de la Sûreté confirmaient à Luigi le maintien de l’arrêté d’expulsion (vieux de 20 ans) malgré un avis favorable au regard de ses actes de résistance et de ses attaches françaises. Le 7 février 1948 Luigi Ballarin décédait d’une crise cardiaque, après avoir confié la responsabilité de sa famille au compagnon Angiolo Bruschi.