Jean Bourgoin quitta l’école à onze ans et demi pour faire son apprentissage de gantier. Ouvrier à quatorze ans et demi, il travailla dans des fabriques de gants à Saint-Junien et plus tard à Paris.
C’est l’action libertaire qui attira Jean Bourgoin et il la mena avec ardeur de seize à vingt-six ans. Très jeune, il fonda en juin 1902 à Saint-Junien le groupe libertaire Germinal avec sept autres ouvriers gantiers dont Raoul Corcelle et Francis Ratinaud. Le 8 janvier 1903, au cours d’une grève des gantiers, il fut arrêté, avec un autre jeune camarade, François Ratinaud, à la suite d’une manifestation violente contre un “jaune " qui n’observait pas la grève et il fut conduit à la prison de Rochechouart. Il fut libéré deux jours plus tard, la grève se poursuivant et donnant toujours lieu à des manifestations du même ordre. Le 30 janvier, Bourgoin et Ratinaud étaient condamnés par le tribunal de Rochechouart à six jours de prison sans sursis. Le soir, une manifestation de protestation eut lieu à travers les rues de Saint-Junien. La reprise du travail se fit le 15 février. Le 8 mars, Jean Bourgoin et François Ratinaud étaient graciés par le président de la République.
A cette même époque étaient également membres du groupe Germinal le cordonnier Jardoux, Léandre, Capitaine Mandrin, Rouchiouchou, Le Truté et Type à seize ans.
Jeune militant, Jean Bourgoin fut délégué au congrès national de la Fédération ouvrière de la ganterie tenu à Saint-Junien en 1903. Il poursuivit avec ardeur sa propagande libertaire, portant la contradiction dans les réunions socialistes : « Nous n’avons rien à attendre des députés et ne devons compter que sur nous-mêmes », déclarait-il le 17 décembre 1905.
Au syndicat des gantiers, il soutint le point de vue syndicaliste révolutionnaire. Il l’a formulé ainsi en janvier 1906, dans une réunion socialiste : « Nous avons toujours dit que les syndicats étaient de puissants leviers révolutionnaires […] mais nous n’avons jamais demandé aux travailleurs un certificat d’anarchie pour y adhérer.” Dans une autre réunion syndicale, il fit adopter cette proposition : « Tout camarade possédant un mandat syndical ne pourra briguer de mandat politique et vice-versa. »
Poursuivis devant le tribunal correctionnel de Rochechouart à l’occasion de graves incidents survenus à Saint-Junien le 1er mai 1906, Jean Bourgoin et un de ses camarades furent acquittés.
Jusqu’à l’âge de vingt-six ans, Jean Bourgoin se montra donc un ardent militant libertaire. Soucieux d’amélioration personnelle, doué d’une grande curiosité d’esprit et désireux de s’instruire, il rencontra alors un ami professeur, qui le guida et influença ainsi grandement sa destinée. À vingt-huit ans, en 1912, il entra par concours au service des poudres comme auxiliaire à la poudrerie d’Angoulême. Après une carrière laborieuse et divers concours, il accéda aux fonctions les plus importantes de deux services industriels d’État : gestionnaire du service central des poudres et gestionnaire du service des essences des armées. Il fut chargé ensuite d’un cours d’administration et de comptabilité aux élèves ingénieurs des poudres, qui sont des polytechniciens et d’un cours aux officiers d’administration de réserve du service des poudres. Il effectua des travaux personnels qui lui valurent diverses marques d’estime de ses chefs. Il vécut ensuite à Chabanais (Charente) dans une studieuse retraite et où il décéda le 27 mai 1968.
Oeuvre : — Les antitout : mémoire d’un anarchiste limousin de la Belle époque (Ed. Les Monédières, 2005, présentation par Vincent Brousse et Dominique Danthieux).