Fils d’un magasinier et d’une couturière, Roger Caron, qui habitait 52 boulevard Serrurier (Paris 19e) avait commencé à travailler dès l’âge de 12 ans à la Compagnie industrielle des pétroles d’Afrique du nord. Adhérent à l’Union Anarchiste dans les années 1930, il fut, avant la seconde guerre mondiale, trésorier des Jeunesses anarchistes dont Ringenbach Ringeas était le secrétaire. Les Jeunesses anarchistes, dont le siège se trouvait 9 rue de Bondy, comptaient, selon la police, « de 4 à 500 adhérents dint 300 pour la région parisienne ». Il collaborait alors au Libertaire et se définissait comme Plateformiste en référence à la Plateforme dite d’Archinov. En septembre 1936 il était le responsable du secteur est de la fédération parisienne de la Jeunesse Anarchiste Communiste (JAC). L’année suivante il était membre de la commission administrative de la JAC aux cotés notamment de Guignolet et de Servent.
Le 19 mars 1939 il fut avec Barzangette l’un des délégués du groupe du 19e arr. au congrès régional tenu par la Fédération parisienne de l’UA auquel étaient représentés 30 groupes.
Arrêté au siège du Libertaire lors de la déclaration de guerre, il fut incorporé mais parvint à se faire ajourner. Il donna alors ses papiers militaires à André Barzangette qui en octobre 1939 tentera avec d’autres jeunes militants insoumis de gagner le Mexique et qui tous seront internés en Espagne au camp de Miranda. Il demeirait alors 66 rue de Romainville à Aubervilliers.
Pendant l’occupation, il participa avec entre autres Louis Laurent, G. Vincey, Émile Babouot, André Senez, etc., au regroupement de militants qui autour d’Henri Bouyé tentaient de reconstituer le mouvement libertaire et dont les réunions, à partir de l’été 1940, se déroulaient à la Bourse du Travail. C’est ce groupe qui, le 15 janvier 1944, élabora une charte qui servira à la libération à unifier les anciennes organisations (Fédération Anarchiste de langue française et Union anarchiste) au sein d’une nouvelle Fédération anarchiste.
Dès la libération de Paris en août 1944, il avait accompagné Henri Bouyé pour obtenir des nouvelles autorités l’autorisation de publication du Libertaire, démarche effectuée sans succès dans un premier temps. Il avait ensuite collaboré avec entre autres Renée Lamberet, Henri Bouyé, Vogue, Émile Babouot, Jean-Louis Lefevre et Giliane Berneri de la brochure « Les libertaires et le problème social » dont la première édition ne sera publiée qu’en mars 1945.
Lors du congrès de fondation de la Fédération Anarchiste (FA) en 1945 il fit partie des 22 membres de la Commission administrative. Lors du congrès tenu à Dijon en septembre 1946, il était reconduit à la commission administrative de la FA avec entre autres G. Fontenis, Maurice Joyeux, Albert Caron, Vincey, Laurent, Bouyé et Robert Joulin. Il demeurait alors dans le 10e arrondissement, 23 rue Sainte-Marthe (ou/et de Sambre et Meuse) et figurait sur la liste des domiciles surveillés par la police.
Partisan d’une organisation structurée, Roger Caron, qui était le secrétaire de la section CGT de Radiac-Potentiomètres et résistances (Paris 10), était en 1949 l’un des premiers partisans de la création avec Georges Fontenis et Serge Senninger Ninn de l’organisme clandestin OPB (Organisation Pensée Bataille) en vue de prendre le contrôle de l’organisation. Il fut alors le secrétaire adjoint de l’OPB et un bon nombre des réunions clandestines de cet organisme se tenaient à son domicile. Membre du groupe de Paris Est avec entre autres Cecile et André Moine et René Lustre, il collaborait au Libertaire et au Trait d’Union (Paris, 1949-1950) le bulletin intérieur des groupes de la région parisienne de la FA. Lors du congrès de Bordeaux (31 mai au 2 juin 1952) il était élu secrétaire aux relations extérieures du nouveau Comité national de la FA dont les autres membres étaient G. Fontenis (secrétaire), Gilbert Blanchet (secrétaire à l’organisation, et le seul à ne pas appartenir à l’OPB), René Lustre (secrétaire à la gestion) et Jean Laulla (secrétaire aux relations internationales). Il travaillait à cette époque chez Ugine (Levallois) où il avait été embauché en 1951. Au congrès de Paris (23-25 mai 1953) où allait être décidé le changement de nom de FA en Fédération Communiste Libertaire (FCL), il était élu secrétaire général du nouveau CN aux cotés de G. Blanchet, R. Lustre, André Moine (propagande), J. Laulla et Michel Donnet (relations extérieures). Aux cours de ce congrès il avait défendu une motion une motion sur l’incompatibilité entre l’appartenance à une organisation libertaire et à la franc-maçonnerie.
Suite au soutien apporté à la lutte anticolonialiste en Algérie et à une série d’articles dans le Libertaire, Roger Caron allait être poursuivi avec plusieurs autres militants de la FCL : il avait été inculpé en novembre 1954 « d’atteinte à la sureté de l’État » pour l’affiche Vive l’Algérie libre éditée par la FCL ; il était inculpé à l’été 1955 pour « atteinte à la sécurité de l’État » avec d’autres rédacteurs du journal dont G. Fontenis, R. Joulin et M. Donnet. En février 1956 il était à nouveau poursuivi avec Joulin à deux reprises pour « diffamation envers les armées » suite à un article du Libertaire dénonçant la répression et la torture en Algérie. Le 12 mai il devait répondre avec Fontenis et Joulin de sept nouvelles inculpations dont celle « d’injures publiques et diffamation » envers Jacques Soustelle gouverneur général d’Algérie, suite à la saisie de plusieurs numéros de l’hebdomadaire de la FCL. Le 13 juillet 1956, tandis que le siège de la FCL était l’objet d’une perquisition, il était arrêté à son domicile par la DST qui effectuait simultanément plusieurs autres perquisitions et arrêtait Fontenis, Joulin, Donnet, Michel Mulot, Paul Philippe et Gilbert Simon. Lors d’une réunion du Comité national de la FCL, le 5 juillet 1956, Roger Caron s’opposait avec quelques autres à la suspension du Libertaire et au passage à la clandestinité adopté par la majorité de l’organisation.
Le 4 octobre il était l’objet de nouvelles poursuites pour « injures publiques envers les armées » ; le 7 décembre il était accusé avec G. Fontenis de « provocation publique de militaires à la désobéissance », puis le 12 décembre il était convoqué à la cour d’appel de Paris pour neuf condamnations — entre février et décembre 1956 — à des peines de prison avec sursis assorties de fortes amendes. Après la disparition de fait de la FCL, Roger Caron rompait tous contacts et cessait de militer.
Roger Caron, qui s’était marié en 1938 avec Raymonde Louise Travers dont il avait eu un fils, est décédé à Léchelle (Seine-et-Marne) le 5 octobre 1999.