Dictionnaire international des militants anarchistes
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KELLER, Charles, “{Jacques TURBIN}”
Né à Mulhouse (Haut-Rhin) le 30 avril 1843 - mort le 19 juillet 1913 - Ingénieur - AIDS - AIT – Mulhouse (Haut-Rhin) - Paris – Bâle – Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Article mis en ligne le 28 janvier 2008
dernière modification le 20 avril 2024

par R.D.

Né dans une famille républicaine et bourgeoise, Charles Keller avait commencé à militer dès son adolescence. Après avoir travaillé plusieurs années dans une filature de laine et fait des études à Strasbourg, Charles Keller avait obtenu un diplôme d’ingénieur civil et était devenu le directeur d’une filature à Willer (Haut-Rhin). Dénoncé en février 1868 pour avoir colporté le journal Les États-Unis d’Europe (Genève), il partait alors pour Paris où il allait se lier à Aristide Rey, Élie et Élisée Reclus. C’est vers cette époque qu’il commença une traduction du Capital de Marx, travail qu’il abandonnera par la suite.

En septembre 1868, il prit part comme délégué de la section de Paris de l’Internationale, au deuxième congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté à Berne et fit partie, avec Michel Bakounine de la minorité qui groupa dix-huit congressistes dont V. Jaclard, A. Richard, É. Reclus, A. Rey. Ils se séparèrent de la Ligue qui se refusait à se prononcer pour « l’égalisation économique et sociale des classes et des individus » (proposition Bakounine) et créèrent l’Alliance internationale de la démocratie socialiste (AIDS) qui se donna un règlement par lequel elle se constituait en une branche de l’AIT.

Au lendemain de la condamnation qui mit fin au troisième procès de l’Internationale déclarée dissoute, en juillet 1870 et où avaient été condamnés une trentaine de prévenus – dont E. Varlin, B. Malon, Pindy, Robin et Frakel – pour « appartenance à une société secrète », Henri Bachruch, Charles Keller, E. Langevin et Paul Robin, membres de la commission de statistique nommée par le Conseil fédéral parisien, adressaient aux sections parisiennes une circulaire déclarant : « Aujourd’hui après la dissolution légale de l’Internationale, nous continuerons cette œuvre en notre nom personnel jusqu’au moment où il redeviendra possible de rendre compte à ceux qui nous avaient nommés ».

C’est au cours de cette même année 1870 qu’à Paris Charles Keller écrivit une chanson qui allait devenir très populaire dans les milieux ouvriers :
« Nègre de l’usine, // Forçat de la mine, // Ilote du champ, // Lève-toi peuple puissant ! // Ouvrier, prends la machine, // Prends la terre, paysan ! »
Le poème ne fut publié qu’en 1874. En janvier ou février, James Guillaume en avait écrit la musique sous le pseudonyme de Jacques Glady, nom de sa mère. Le chant fut publié dans l’Almanach du peuple pour 1874 sous le titre Le Droit du travailleur. On l’appela aussi L’Alsacienne puis par la suite La Jurassienne, et le refrain figura en tête de chacun des numéros de L’Avant-Garde (La Chaux-de-Fonds, 40 numéros du 2 juin 1877 au 2 décembre 1878), journal de la Fédération jurassienne dont les rédacteurs principaux étaient Paul Brousse et Jean-Louis Pindy.

Quelques jours avant la déclaration de guerre entre l’Allemagne et la France, il fut avec entre autres, Tolain, Pindy, Camélinat, Eugène Pottier, Thomachot, etc. d’une adresse de l’Internationale contre la guerre où on pouvait lire : « Frères d’Allemagne, au nom de la paix, n’écoutez pas les voix stipendiées ou serviles qui chercheraient à vous tromper sur le véritable esprit de la France. Restez sourds à des provocations insensées, car la guerre entre nous serait une guerre fratricide… Nos divisions n’amèneraient des deux cotés du Rhin que le triomphe complet du despotisme ». (cf. Le Réveil, 12 juillet 1870).

Charles Keller fit la campagne de 1870 dans une compagnie de francs-tireurs et dans la légion des mobilisés d’Alsace-Lorraine. Après l’arrêt des combats, il partit à pieds de Mulhouse pour gagner Paris assiégé par les Versaillais. Il arriva dans la capitale le 10 mai 1871, combattit avec les Communards et fut blessé à la barricade du Château-d’Eau le 25 mai. Au cours de l’été, il réussit à rentrer dans sa famille avec un passeport alsacien, puis se rendit en Suisse et vécut à Bâle.

Après l’amnistie, il se fixa à Belfort, puis à Nancy où il fonda la Maison du peuple et l’Université populaire. En 1876, il avait épousé Mathilde Roederer qui avait appartenu, elle aussi, à l’Internationale. Comme beaucoup de Communards, Keller avait cruellement ressenti la défaite de 1870, et il écrivit maints poèmes anti-allemands et patriotiques. « Il n’était d’aucune école et ne suivait aucune loi”, écrivait sa femme à J. Guillaume ; comme tempérament, il était d’ailleurs plus près des anarchistes, mais sans se ranger sous aucune bannière. “Il avait horreur de l’esprit fermé des coteries. »
Dans un poème intitulé Notre foi, il a lui-même exprimé, ce qu’il pensait ou espérait :
« À l’instant où la dernière onde // De notre sang s’apaisera, // Pendant la suprême seconde // Où l’âme en nous s’effacera, // Ô Justice ! nous, les athées, // Les résignés du noir Néant, // Dans nos prunelles dilatées, // Par delà le tombeau béant, // À travers le Temps et l’Espace // Nous verrons tes soleils levants, // Et nous contemplerons ta face // Avec l’âme de nos enfants ».

Charles Keller est également l’auteur de la chanson « L’ouvrier n’a pas de patrie », parue dans le Bulletin de la Fédération Jurassienne et qui avait pour refrain :
« Bâtard de la riche industrie // L’ouvrier n’a ni feu ni lieu// L’ouvrier n’a pas de patrie // Misérable ouvrier, lève aujourd’hui ta main // Et nous t’acclamerons demain // République du genre humain ».
En 1903 il composait une nouvelle chanson rappelant aux travailleurs : « L’acte seul fait du révolté // L’invincible maître de l’heure // Prolétaires du monde entier // Délivrez-vous vous-mêmes ».

Charles Keller est mort à Nancy (Meurthe-et-Moselle) le 19 juillet 1913.

Charles Keller avait acquis à la fin des années 1890 un terrain à Carnac où il fit construire une villa. Devenu ami avec Zacharie Le Rouzic, il lui apportera son aide tant morale qu’intellectuelle et financière et tous deux lanceront et mèneront à bien les fouilles du Tumulus Saint-Michel de 1900 à 1906. La pointe rocheuse de Ty Bihan, au sud de la plage Saint-Colomban, acquise plus tard par la famille, a pris en sa mémoire l’appellation de Pointe Keller.

ŒUVRES (cotes de la Bibl. Nat.) : Publication collective, relative à l’Internationale, 4 p., Paris, juillet 1870. Cf. Répertoire…, vol. III, La Première Internationale. Imprimés. — Poésies publiées sous le pseudonyme de Jacques Turbin : Du fer, (1897), 8°, Ye 4554. — À l’oreille, (1899), 8°, Ye 4764. — La Grève générale, 1906, 3 p., Gr. in-8°, 4° Ye, Pièce 1394. — L’Action directe, 1907, 3 p., Gr. in-8°, 4° Yth 7912. — Ouvriers et paysans, paroles et musique, 1907, 3 p., Gr. in-8°, 4° Yth 7957. — Marchons à la bataille, 1908, 3 p., Gr. in-8°, 4° Ye Pièce 1454.


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