Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

BENOÎT Charles, Lubin

Né le 24 mars 1878 à Rouen (Seine-Inférieure) — mort le 19 mars 1950 — Comptable — Rouen (Seine-Maritime) — Paris
Article mis en ligne le 14 juillet 2007
dernière modification le 5 août 2024

par R.D.
Charles Benoit (1911)

Charles Benoît commença sa vie militante dans le mouvement ouvrier, à Rouen, sa ville natale. Il fut éduqué par un libre penseur, Bazire, adhérent au Parti socialiste révolutionnaire qui avait succédé au Comité révolutionnaire central (blanquiste). Tout jeune, il milita dans le mouvement syndical et à l’Union communiste révolutionnaire de Rouen, et il n’avait guère plus de seize ans quand il participait aux grèves. Il fut un des secrétaires de l’Union départementale créée en 1896. L’année précédente, il avait adhéré à la jeune Fédération socialiste de Seine-Inférieure et, au congrès de Paris, salle Wagram (1900), il représenta deux groupes du PSR, l’Union communiste révolutionnaire de Rouen et l’Avenir social de Saint-Étienne-du-Rouvray. En 1902, il organisa à Rouen une conférence antimilitariste destinée aux conscrits. Il fut poursuivi. Sa mère, veuve, qui tenait un café, le vit interdire à la troupe ; contrainte de liquider son commerce, elle vint à Paris avec son fils.

À Paris, Benoît fréquenta les milieux libertaires. Au journal Les Temps nouveaux, que Jean Grave fonda en mai 1895, il s’occupait, bénévolement, de tâches administratives. On disait en parlant de lui « Charles Benoît des Temps nouveaux ». Il portait alors lavallière et feutre noir à larges bords. En septembre 1910, avec entre autres Guérin et Girard, il créa un groupe de propagande par la brochure appelé le Groupe des Temps nouveaux dont il fut le secrétaire. Les militants des journaux anarchistes ne négligeaient pas, en effet, ce moyen de propagande que constituait la brochure bon marché, parfois gratuite, et qui touchait tous les milieux. En une année, le groupe des Temps nouveaux en édita quatorze, tirées chacune à 10.000 exemplaires ; 90.000 furent vendues. Leur diffusion fut la préoccupation majeure de Ch. Benoît. On compte qu’à cette époque, les trois journaux de Jean Grave Le Révolté, La Révolte qui le remplaça en 1887 et parut jusqu’en 1894, enfin Les Temps nouveaux avaient sorti plus de soixante brochures tirées à plus d’un million d’exemplaires.

En 1912 il participait activement avec André Girard et Guérin à la campagne du Comité de défense sociale en faveur du soldat Rousset témoin de l’assassinat d’Aernoult par un gradé. Il demeurait vers cette époque 3 rue Bérite (VIe arr.) et était le trésorier du groupe des Temps nouveaux.

En 1914-1918, alors que de nombreux compagnons, oubliant leurs déclarations contre la guerre, se rangeaient aux côtés des Alliés, que certains d’entre eux, signaient le “Manifeste des Seize”, Charles Benoît — maintenu exempté de service militaire en février 1915-, demeuré fidèle, fut un des principaux militants du Groupe d’entraide des Temps nouveaux — où figuraient entre autres André Girard, A. Mignon, Hasfeld auxquels se joignirent Garnery, Paul Signac, Péricat etc. — qui s’opposa au « Manifeste des Seize » en publiant La Paix par les Peuples, et apporta son aide aux amis mobilisés ; du 20 novembre 1914 à fin décembre 1916, Ch. Benoît, qui était trésorier du groupe, collecta la somme de 6 842 F. Le groupe, qui avait gardé le local de la rue Broca (Paris 5) au grand dam de Jean Grave un des signataires du “manifeste des seize”, fut finalement expulsé du lieu après que Grave ait demandé à un ami de mettre un cadenas. Puis pour s’opposer à Benoit et à Girard, Grave fit paraître à partir de mai 1916 un bulletin intitulé Publication des Temps nouveaux (numéro 16 et dernier, 1er juin 1919). Réformé, Charles Benoit fut maintenu dans cette position le 12 février 1915. En 1916 il était membre du Comité d’Action International contre la Guerre (CAI) et en juillet effectuait une importante tournée de conférences contre la guerre (Tours, Thenay s/Loire…) En 1917, le Groupe d’entraide prit une part prépondérante à la campagne pacifiste menée sous les auspices du Comité pour la reprise des relations internationales. Ch. Benoît fit aussi partie de l’Union fédérative de transformation sociale, groupement pacifiste qui fut dissous comme le précédent. En janvier 1918 paraissait la revue mensuelle l’Avenir international (Paris, 32 numéros de janvier 1918 à août 1920) où Charles Benoît collaborait avec de nombreux anciens rédacteurs des Temps nouveaux dont Émile Masson Brenn, A. Girard, A. Mignon, J. Mesnil, Frédéric Stackelberg, Fernand Desprès, Alzir Hella, Martinet, Genold, etc. Cette revue, dont les gérants furent J. Béranger puis André Gurard, se montrait très favorable à la révolution russe.
Il collaborait à la même époque au journal La Plèbe (Paris, 5 numéros du 13 avril au 4 mai 1918) dont le gérant était Alignier et qui regroupait les militants libertaires, syndicalstes et socialistes opposés à la guerre.

Le 9 avril 1919, il était nommé vice-président de la section Monnaie-Odéon de la Ligue des Droits de l’Homme. Vers 1925, il adhéra à la SFIO, 6e section, et lui resta attaché jusqu’à sa mort. En 1931, il collaborait à la revue Plus loin (Paris, 1925-1939), animée par le docteur Marc Pierrot. Le 1er février 1927 il avait été rayé du carnet B.
Il militait désormais très peu, fréquentant de vieux libertaires et syndicalistes révolutionnaires. Jusqu’à sa mort survenue à Paris le 19 mars 1950 (incinéré au columbarium du Père-Lachaise) il vécut en faisant quelques comptabilités et comme courtier en librairie, spécialisé dans les éditions rares.

OEUVRE : Auteur, avec A. Girard d’une brochure : Un désaccord, hostile à la position « défense nationale » prise par Grave durant la Première Guerre mondiale.


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