Dictionnaire international des militants anarchistes
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RIU BERENGUE, Maria de « Maria RIUS »
Née le 30 novembre 1900 à Arbeca (Lerida) - Ouvrière en chemises – FAI – CNT – Barcelone (Catalogne) – France
Article mis en ligne le 22 janvier 2024
dernière modification le 11 avril 2024

par R.D.

Fille aînée du paysan Francesco de Riu Piera et de Raimunda Berengué Soler, c’est encore très jeune que Maria de Riu Betengué avait commencé à travailler comme ouvrière chemiseuse dans un atelier d’Aberca (Lerida) puis encore adolescente avec sa famille avait gagné Barcelone où tous avaient adhéré à la CNT au moment de la grande grève de la Canadiense (décembre 1918-janvier 1919) qui se solda par la réadmission des licenciés, la libération des prisonniers, la journée de huit heures dans l’entreprise canadienne, l’augmentation des salaires et la levée de l’état de guerre.

Le 1er octobre 1919, Maria de Riu épousait le jeune charpentier barcelonais Joan Prat Creixell également lié à la lutte anarcho-syndicaliste. Un peu plus d’un an plus tard naissaient sa première fille, Rita Prat Riu, et le 19 septembre 1922 son deuxième fils, Francesc Prat de Riu. Ils vivaient au 21 Carrer Priorat dans le quartier Sants de Barcelone.

Maria de Riu avait intégré le Syndicat de l’Habillement de la CNT de Barcelone, situé à l’Ateneo Faros où elle noua des contacts avec d’autres militants comme Lola Iturbe et bien d’autres. Selon Iturbe, elle faisait partie du conseil d’administration du Syndicat de l’habillement et possédait la carte numéro 1, même s’il semble qu’elle n’occupait pas des postes très représentatifs. Selon la même autrice, c’était « une jeune fille belle et intelligente qui s’enthousiasma très vite pour les luttes syndicales » et dont le tempérament dynamique et résolu l’inclina vers des activités plus radicales qui l’amena à s’intégrer aux groupes d’action dont celui des Los Solidarios auquel participaient plusieurs femmes dont Pepita. Not, Ramona Berni, Julia López et María Luisa Tejedor.

Los Solidarios avait été créé à Barcelone en octobre 1922. Il était issu du groupe Crisol et était le successeur d’un groupe précédent appelé Los Justicieros. Son noyau était composé de Ricardo Sanz, Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti, Garcia Oliver, Aurelio Fernández, Rafael Torres Escartín, Gergorio Suberviola, Alfonso Miguel, Miguel Garcia Vivancos, Manuel Campos, Eusebio Brau et Toto de León (Gregorio Martínez Garmón). Leurs objectifs étaient de faire face aux armes du patronat, de défendre les objectifs anarchistes de la CNT et de fonder une fédération au niveau de l’État qui unirait tous les groupes idéologiquement proches, mais dispersés dans toute la péninsule.

Suite au coup d’État de Primo de Rivera (septembre 1923) et à la répression contre la CNT, le domicile de Maria avait été perquisitionné le 13 août 1924. La police ayant découvert une bombe, quelques pistolets et revolvers, un grand nombre de capsules et plusieurs quantités de liquides, que la police supposait destinés à la fabrication d’explosifs, elle fut arrêtée avec ses parents et son compagnon, Joan Prat Creixell. Les parents de Maria de Riu furent bientôt relâchés. Près d’un an plus tard, Maria de Riu fut à son tour relâchée, mais pas son mari, qui avait fui et avait été déclaré « en rébellion ». Le compagnon Joan Colet Velasco était également impliqué dans ce procès, et avait été arrêté pour possession illégale d’armes dès le lendemain, lorsqu’il était entré dans la maison de Maria Riu.
En juin 1926, le commandant d’infanterie Pérez Garveri décréta le classement provisoire du procès intenté contre Maria de Riu, poursuivie pour possession et fabrication d’armes. Son mari était toujours poursuivi pour rébellion

En plus de son implication directe Maria de Riu a consacré une partie très importante de sa lutte au soutien aux prisonniers, en faisant partie du Comité pro presos de la CNT. De plus, elle participa à la dissimulation et à plusieurs évasions de compagnons de l’organisation.

Suite à son arrestation, Maria de Riu avait dû témoigner devant le Conseil Suprême de Guerre dans le procès en cours contre certains anarchistes et leurs complices pour l’assaut de la Caisse d’Épargne de Terrassa. le 12 septembre 1923, avec pour résultat le vol de six mille pesetas et la mort par balle d’un citoyen et d’un autre blessé. Deux des anarchistes, Jesús Pascual Aguirre et Josep Saleta, avaient ét été exécutés à Terrassa deux jours après les événements. Antoni Devesa, impliqué dans le vol, qui avait été reconnu comme l’un des assaillants et pour lequel le procureur avait demandé une condamanation à perpétuité, avait été condamné à mort comme Josep Aracil Cortés lui aussi impliqué dans cette affaire. Maria de Riu avait témoigné que le jour des événements, elle et son fils se promenaient avec Antoni Devesa le long du Passeig de Colom. L’alibi proposé par Maria de Riu n’avait servi à rien.
Le Conseil de guerre condamna les deux anarchistes à être exécutés le matin du 2 mars 1925. Pour légitimer son fils, Devesa épousa sa compagne le 1er mars à huit heures du soir. Enfin, deux heures avant qu’ils ne soient livrés au bourreau pour leur exécution, le juge d’instruction les informa de la grâce que le roi avait signée. Selon Lola Iturbe, Maria de Riu avait déclaré que Devesa n’aurait pas pu commettre ce crime puisque lors des événements il se trouvait avec elle dans une situation très intime. Cette affirmation avait poussé le compagnon de Maria, Joan Prat, à rompre sa relation avec elle.

Antoni Devesa ne fut pas le seul pour lequel Maria de Riu avait témoigné en lui fournissant un alibi. Fin septembre 1924, Maria de Riu témoigna au procès pour la mort par balle d’un agent de surveillance et du propriétaire de taverne : le 4 juin 1923 un groupe de choc anarchiste avait voulu éliminer Pedro M. Homs, un avocat de la CNT qui agissait comme confident de la police et qui finalement s’en tira sain et sauf. La justice avait poursuivi Joaquín Blanco Martínez, Josep Espuñes Bach et avait déclaré en "rébellion" José Alamo, Pere Boada, Joaquín Garcia Sancho et Ramon de Riu, le frère de Maria. Maria de Riu avait affirmé que ce 4 juin, elle avait Joaquín Blanco comme invité chez elle, et qu’il y était resté jusqu’à 14 heures de l’après-midi. Joaquín Blanco Martínez, qui agissait sous le nom de « José Picón Martínez et était connu sous le nom de Picón et de Valladolid et Josep Espuñes avaient été finalement respectivement condamnés à la réclusion à perpétuité pour homicide et à 14 ans, 8 mois et 21 jours de prison provisoire..

Selon Lola Iturbe, la première évasion dans laquelle Maria de Riu était intervenue a été celle d’un militant nommé Giménez à qui Maria de Riu, par l’intermédiaire d’un prisonnier dit de droit commun, avait fait parvenir une arme à la prison Modelo. Ce prisonnier, arrêté et malgté les coups, n’avait pas parlé ni trahi Maria.

Le 9 décembre 1928, Maria de Riu participa à l’évasion spectaculaire de quatre prisonniers anarchistes. Il s’agissait de Jaume Compte Canellas, Jaume Julià Pedrol, Josep Alcodori Villalba et Joan Massip Puig. Tous avaient été reconnus coupables de divers crimes (vols à main armée, assassinats, attentat). Maria de Riu et Sebastiana Curuella étaient parvenues à leur fournir des fausses clés et des armes. Tous les quatre parvinrent à s’évader avant d’être repris peu après à Sants et d’être ramenés à la Modelo.

Le juge de l’Université, Luís Bernardo Fernández, qui avait ordonné le référé pour tentative d’évasion contre les quatre prisonniers, avait alors émis un mandat de poursuite et d’emprisonnement contre eux. En plus des affaires déjà pendantes, Josep Alodori était alors poursuivi pour « contrainte, détention illégale d’armes, attentat contre l’autorité de et violation de peine », Joan Massip et Jaume Compte pour « contrainte, détention illégale d’armes et tentative d’attentat contre l’autorité ». Toutefois la police n’avait pas alors réussi à savoir comment les armes et les clés avaient été introduites dans la prison.
Maria Riu et la compagne de Josep Alcodori, seront arrêtées en février 1929 mais laissées en liberté provisoire après le versement d’une caution 500 pesetas.

Les 13-14 octobre 1930, lors du procès, outre les quatre évadés qui seront condamnés à trois ans de prison et diverses amendes, avaient été poursuivis comme complices Vicent Vilaller (ou Vitaller) Jauregui, Carles Guiu Martínez, Vicent Corbera Fabuel (ou Fabuet), Juli Alvaro Velilla, Elias Robles González et deux femmes, Sebastiana Curuella Mutadraga et Maria de Riu Berengué. Vicent Vilaller, Carles Guiu et Jaume Serra avaient été condamnés à six mois de prison et Maria de Riu et les autres à quatre mois de prison et une amende de 1000 pesetas. Certains des prisonniers furent alors inclus dans une mesure de grâce récemment décrétée.

Hilario Esteban Gil et Joan Massip Puig étaient à cette époque deux des militants anarchistes les plus célèbres. Avec Jaume Serrat, Manuel Montero, Carles Guiu, Felip Tiñena, Jacinto Vila, Fèlix Gómez, Josep Martí et d’autres, ils avaient formé l’un des groupes d’action les plus actifs de l’anarcho-syndicalisme espagnol et pour lequel ils avaient été condamnés à plusieurs années de prison.
Maria de Riu avait collaboré à la tentative d’évasion de prison d’Hilario Esteban et Joan Massip avec toutes sortes de risques. Maria de Riu, selon Lola Iturbe, avait réussi à leur procurer des cordes et des limes. L’évasion avait échoué et Esteban et Massip avaient été maltraités et enfermés dans une cellule disciplinaire, dans les sous-sols de la prison.

À la chute de la dictature de Primo de Rivera, Maria de Riu avait participé activement au Comité des femmes pour l’amnistie des prisonniers en menant une intense campagne pour aider les prisonniers et pour l’extension de l’amnistie et la révision des politiques et des droits sociaux. Ainsi, dans le journal La Publicitat, nous avons la signature de Maria de Riu dans le « Manifeste des femmes : pour nos prisonnières politiques et sociales ». Le 1er avril 1930, le Comité des Femmes Pro Amnistie avait remis deux cent dix mille signatures de femmes catalanes ayant adhéré à cette demande.

Le 14 avril 1931, suite à la proclamation de la République, Maria de Riu participait avec de nombreuses compagnes et compagnons à l’assaut des prisons de Barcelone et notamment de la prison des femmes. A la tête des prisonnières libérées elle manifesta jusqu’à la place de la Mairie de Barcelone pour exiger du président Macià la libération de toutes les personnes arrêtées en Catalogne.

Lors du coup d’État franquiste de juillet 1936 et après avoir participé aux combats de rues, Maria de Riu s’était enrôlé comme milicienne dans la Colonne Hilario-Zamora, formée à Lleida le 21 juillet 1936 et qui avait pour responsable civil l’anarchiste Hilario Esteban et pour chef militaire le capitaine du régiment de l’Albuera, Sebastián Zamora Medina. A Sastago elle y forma un atelier de couture pour habiller les combattants. La Colonne fut ensuite intégrée à la Colonne Ortiz où un groupe de femmes miliciennes - dont Concha Pérez, Rosario Sánchez, Casilda Méndez ou Pepita Vázquez Núñez -, avaient participé à la tentative de prise de Belchite.

Maria de Riu était passée en France lors de la Retirada. Elle s’y était, semble-t-il, retirée de la vie militante pour se consacrer à sa vie familiale.

Sa fille Rita Prat de Riu s’est mariée en décembre 1967 à Paris à Manel Moya Morales.

Une bibliothèque anarchiste a été inaugurée en son nom à Lerida (Lleida) pour lui rendre hommage


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