Lucien Barbedette, qui avait songé à devenir missionnaire — il était né dans une famille de croyants — renonça à sa vocation, obtint son baccalauréat à vingt-trois ans puis une licence es-lettres philosophie et une licence de sciences naturelles.
En 1919, il fut nommé professeur au collège de Luxeuil-les-Bains ; il y enseignait la philosophie et l’histoire, et aussi, s’il en était besoin, le grec et le latin. Antoine Perrier, qui le connut dans les années 1923-1925, l’a vu ainsi : « de petite taille rapetissée encore par une simple pèlerine arrivant presque à terre, et par un chapeau melon enfoncé sur une tête éclairée de petits yeux vifs, derrière de grosses lunettes, prolongée par une longue barbe fauve ».
Aimable et de caractère doux, Barbedette attirait la sympathie. Excellent pédagogue, il « possédait l’art d’enseigner et savait intéresser ses élèves » a dit de lui un de ceux-ci. Rien de dogmatique dans la conduite de ses leçons dispensées sur le ton de la conversation amicale, les questions étudiées étant présentées sous leurs divers aspects, et les élèves invités à en discuter, peu nombreux, il est vrai à cette époque dans une classe de philosophie, une dizaine au maximum.
En 1925 il était membre avec d’autres anarchistes –dont L. Rimbault et V. Spielman — du conseil d’amnistration de l’association Les Compagnons de la pensée dont les présidents étaient Han Ryner et J.H. Rosny et qui publiaient le mensuel La Houle (Lyon, 1926-1928) consacré essentiellement à la défense des intellectuels de langue française.
L. Barbedette était au début des années 1930 membre d’honneur de l’Union des Intellectuels Pacifistes (UIP) dont le président était Gérard de Lacaze-Duthiers, la vice présidente Lucie Caradek et le secrétaire Louis Fillet. L’UIP éditera le journal La Clameur (au moins 14 numéros de novembre 1932 à avril 1936) dont le gérant était René de Sanzy.
Soucieux de faire connaître sa pensée à un public plus vaste que celui qui l’écoutait dans le cadre étroit de sa classe, il édita à ses frais des brochures qui traitaient de la philosophie aux Éditions de la Fraternité Universitaire (Limoges, 1934-1940) et écrivit parallèlement dans la presse anarchiste. Il collabora à un très grand nombre de titres de la presse libertaire francophone dont : L’Action Libre (Paris, 1931-1935) feuille mensuelle des Causeries Populaires, Bibliothèque de l’Artistocratie (Paris, 1931-1939) de Gérard e Lacaze-Duthiers, La Brochure Mensuelle (Paris, 1923-1937), Ce qu’il faut dire (Bruxelles, 1934-1936) organe du Comité International de Défense anarchiste, La Clameur (Paris, 1932-1936) organe de l’Union des Intellectuels Pacifistes, Le Combat (Bruxelles, 1926-1928) dont le gérant était Hem Day, Le Combat syndicaliste (1926-1939) organe de la CGTSR, La Conquête du pain (Boulogne-Billancourt, 1934-1935) de F. Planche, Controverse (Paris, 1932-1934) de Louis Louvet, La Cravache (Bruxelles, 1933), L’En-Dehors (1922-1939), journal individualiste de E. Armand, Le Fédéraliste (Courbevoie, 1921-1939), Le Flambeau (Brest, 1927-1934), Germinal (Toulon, 1930-1932) organe libre penseur, La Grande Réforme (Paris, 1931-1939) d’Eugène Humbert, L’Insurgé (Paris, 1925-1926) d’André Colomer, Lucifer (Bordeaux, 1929-1931 & 1934-1935) d’Aristide Lapeyre, Les Primaires (Issy-les-Moulineaux, 1921-1939) revue de culture populaire dont le rédacteur en chef était Régis Messac, Le Réfractaire (Paris, 1927-1932) bulletin de la Ligue des réfractaires à toutes guerres, La Révolte (Bordeaux, 1935-1936) publié par Aristide Lapeyre, Le Semeur de Normandie (Caen & Falaise, 1923-1936) où il était plus particulièrement chargé de la chronique scientifique, Terre libre (Aulnay, Nîmes, Paris, 1934-1936) organe de la Fédération anarchiste de langue française, La Vie universelle (Châtenay-Malabry, 1926-1936), et La Voix libertaire (Limoges, 1929-1939), organe de l’Association des fédéralistes anarchistes. Il donna à l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure de nombreux articles sur des questions philosophiques ou historiques.
Barbedette, dont la santé « aurait eu besoin de ménagements ne se soignait pas. Depuis plusieurs années il avait le cœur faible, ce qui se traduisait dans l’exercice de son métier de professeur par une vitalité moindre, de la fatigue… » (témoignage d’A. Perrier). Il mourut victime d’une crise cardiaque le 8 février 1942 à Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) et fut enterré civilement au cimetière de Luxeuil où sa pierre tombale fut édifiée par souscription auprès de ses élèves et de ses collègues.
OEUVRE : — Etudes sur Malebranche ; — Vouloir et destin, essai bibliographique (La Brochure mensuelle, n°106, octobre 1931) ; — Pour la justice économique : étude sur la propriété (Ed. de l’Encyclopédie anarchiste, 1933) ; — La véritable révolution sociale (idem, en collabb. Avec S. Faure, V. Meric et Voline) ; — La cité fraternelle ; — Métrique morale ; — Pour l’ère du cœur ; — A la recherche du bonheur ; — Suprêmes illusions ; — Suprêmes illusions (Ed. La Fraternité Universitaire, 1933) ; — En marge de l’action : recherches sociologiques (idem, 1934) ; — Aux sources de la douleur : recherches philosophiques (idem, 1935) ; — Remarques et suggestions : étude philosophique (idem, 1936) ; — Ordre et raison : recherches philosophiques (idem, 1937) ; — Ciel plein d’étoiles (idem, 1938) ; — Le Cycle éternel (idem, 1938) ; — Comprendre (idem, 1939) ; — Dans les sphères du rêve : mythes d’autrefois et d’aujourd’hui (idem, 1940) ; — Ethique nouvelle* ; — L’incomparable guide* ; — Le peintre Jules Adler* ; — préface du Manifeste des anationalistes* ;
(Une dizaine de ces textes, dont ceux suivis d’un *, ont fait l’objet entre 1933 et 1938 d’un commentaire de Régis Messac dans la revue de culture populaire <Les Primaires dont il était devenu le rédacteur en chef et qui avait pour but « … de faire respecter le mot primaire, de rendre hommage aux artistes fidèles au peuple, de contribuer à donner à ses lecteurs une culture pénétrée d’un esprit international et humain… de combattre les préjugés, les chapelles, l’esprit de guerre, le snobisme artistique et tout ce qui n’est pas probe, sain, généreux »)