Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

CURIEN Paul-Marie

Né le 29 août 1866 à Haguenau (Bas Rhon) — mort en mars 1885 — Lille (Nord) — Paris — Panama
Article mis en ligne le 3 septembre 2021
dernière modification le 23 juillet 2024

par Dominique Petit, Guillaume Davranche, R.D.

Paul-Marie Curien, dont le père officier était mort et la mère remariée, eut une enfance assez troublée. Renvoté du Prytanée militaire de La Flèche pour avoir soulevé ses camarades, il fut placé en pension à Lille chez les frères où il fit le désespoir de ses maîtres. À l’âge de quinze ans, il entra en apprentissage d’aide coupeur, puis en boucherie, mais il ne tenait pas en place, s’enfuyant à plusieurs reprises de chez lui. Placé une nouvelle fois à Lille comme apprenti chez un boulanger, il adhéra alors à la société ouvrière Les amis du progrès et faisait la lecture à ses compagnons de travil des journaux La Lutte et Le Forçat.

La lecture des journaux anarchistes l’incita à accomplir un geste qui attirerait l’attention sur lui et il décida de tuer Jules Ferry, président du Conseil. Après avoir volé le révolver du fils de son patron et 35 francs de factures qu’il venait d’encaisser, le 10 novembre 1883, il vint à Paris dans ce but. Le lendemain, il se présenta à la primature, et demanda à voir Jules Ferry. L’huissier lui demandant s’il avait une lettre d’introduction, il répondit qu’il était « délégué d’un groupe ouvrier de Lille » pour lui parler. Curien fut éconduit mais, ayant repéré une porte qu’il croyait être celle du bureau de Ferry, il s’y précipita, revolver à la main. L’huissier s’interposa et, après une brève lutte, le désarma. En se débattant Curien cria : « Je suis anarchiste ; quand je travaille, je gagne 2, 5 francs par jour, et vous, vous volez des millions. » En traversant, menotté, la cour du ministère, il cria à tue-tête : « Vive l’anarchie ! Vive la Sociale ! Vive la Commune ! » aux employés venus aux fenêtres. Au poste, on trouva sur lui une trentaine de cartouches. Il affirma avoir fait voter par un groupe anarchiste du Nord la condamnation à mort du chef du gouvernement. Il était venu à Paris pour appliquer cette décision.
La police perquisitionna sa chambre, à Lille, et saisit de nombreux journaux : Le Forçat, Le Travailleur, La Voix du peuple, La Révolution sociale.

Le 4 janvier 1884, la 8e chambre du Tribunal correctionnel lui accorda les circonstances atténuantes « à cause de sa jeunesse et des excitations dont il a subi l’influence ». Curien fut condamné à trois mois de prison et s’écria : « Vive la révolution sociale ! »
Ayant purgé sa peine à Armentières, il fut libéré en avril et revint sur Lille où il continua à se faire remarquer par la violence de son langage dans les réunions anarchistes.

Le préfet du Nord s’entendit avec sa famille pour lui trouver une place dans l’administration du canal de Panama. Il traversa alors l’Atlantique mais n’occupa ce poste que peu de temps. Dès mars 1885, apprenant la révolte de la ville de Colón, il rejoignit les insurgés. Blessé de deux balles à la cuisse, il fut transporté à l’hôpital de Panama, où il mourut quelques jours après.


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