Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

ALERINI, Charles

Né le 20 mars 1842 à Bastia (Corse) — mort le 24 juillet 1901 — Professeur — AIDS — AIT- FRE — Marseille (Bouches-du Rhône) — Barcelone (Catalogne) — Égypte —
Article mis en ligne le 1er avril 2007
dernière modification le 8 août 2024

par R.D.
Charles Alerini

Aîné d’une fratrie de 12 enfants et issu, par son père médecin, d’une très ancienne famille Corse, Charles Alerini avait obtenu son baccalauréat ès sciences en 1862 au lycée de Bastia où l’année suivante il avait été nommé comme aspirant répétiteur. Dispensé de service militaire comme membre de l’instruction publique, il fut ensuite transféré aux lycées d’Avignon et de Marseille

Maître répétiteur au lycée de Marseille, puis préparateur chimiste, il fut nommé en octobre 1869 professeur de sciences physiques au collège de Barcelonnette (Basses-Alpes). Charles Alerini était alors le secrétaire correspondant de la section de Barcelonnette de l’Internationale (AIT) fondée en 1870, et par la suite fut membre de la section de Marseille (Bouches-du-Rhône), et membre de la section exécutive de la Commission départementale insurrectionnelle des Bouches-du-Rhône (fin mars, début avril 1871).

Suspendu, le 21 avril 1870, de ses fonctions au collège de Barcelonnette en raison de son action militante, Alerini devint gérant du journal républicain Rappel de Provence. Désormais, il prit une part très active à l’action de l’Internationale à Marseille où il collabora étroitement avec André Bastelica. Le 20 mai, il fut arrêté à Cannes pour adhésion à une société secrète (l’Internationale) et fut incarcéré un mois à la prison Saint-Pierre de Marseille.

Le 7 août 1870, il participa à l’occupation de l’Hôtel de Ville et, notamment avec Combe et Matheron, à l’organisation d’une éphémère Commune révolutionnaire ayant à sa tête Gaston Crémieux. C’est à cette occasion qu’il rencontra Michel Bakounine avec lequel il allait entretenir une amitié solide et durable et dont il organisa la fuite de Marseille à Gênes. Incarcéré après l’échec de cette tentative, il fut libéré le 4 septembre à la proclamation de la République.

Le 17 mars 1871 dans une lettre il décrivait ainsi la situation à Marseille : “Il y a ici un mécontentement général, les vivres augmentent et le travail manque ; la misère approche à grands pas. Il faut s’attendre à une révolution : une circonstance fortuite peut, malgré tous et malgré tout, mettre le feu aux poudres. Un mouvement prématuré nous ferait plutôt du mal que du bien. Mais que voulez vous ! Les bourgeois ont beau dire que ce sont les menuers qui produisent les mouvements, ces misérables comprendront-ils enfin que c’est la force des choses qui fait éclater les révolutions. »(cf. J. Guillaume “L’internationale”).
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Lors du mouvement insurrectionnel du 23 mars 1871, Alerini fit partie de la Commission départementale de douze membres. Le rapport de la notice-contumax, 18 avril 1879, s’exprime ainsi sur son rôle dans ces circonstances (cf. Arch. Nat.) :
« Alerini a été avec [Gaston] Crémieux et [Edmond] Mégy une des fortes têtes du comité ; énergique, actif, intelligent, il a mis ses connaissances de professeur au service de l’insurrection. Le 23 mars, il dresse avec les contrôles de l’Internationale la liste des membres de la Commission départementale : il fait partie du comité directeur ; se fait remarquer par son activité, rédige ou contresigne de nombreuses pièces et semble être le bras droit de Crémieux. Il organise activement la résistance armée, requiert des fusils, des munitions, et prend part à tous les actes de l’insurrection.Mais, le 4 avril, il est encore à la Préfecture quand les autres chefs ont depuis longtemps fui le danger ; il est allé en parlementaire près du général. »

Après l’échec du mouvement, Alerini, qui était parvenu à s’échapper, passa en Espagne à Barcelone où il retrouva notamment Paul Brousse et Camille Camet. En 1872 sur le point de se rendre à La Haye, il était allé à Vitoria remettre à Anselmo Lorenzo une lettre de Bakounine. Il fut en France condamné à mort par contumace, le 24 janvier 1872 et seragracié sept ans plus tard, le 17 mai 1879. En attendant, il poursuivit son action militante.

Vers décembre 1871, il fut initié au groupe secret constitué par certains membres appartenant à l’Internationale, l’Alliance de la Démocratie socialiste (AIDS), créée par Bakounine au printemps 1870 et fut en 1872 l’un des signataires de la brochure « Cuestion de la Alianza » parue à Barcelone. Il collaborait à cette époque au journal La Solidaridad.
Tant sur le plan espagnol que sur le plan français, Alerini fut mêlé à la vie de l’Internationale « anti-autoritaire » qui combattit l’Internationale « marxiste » après le Congrès de la Haye. J. Guillaume, qui l’appréciait, parle de son « coeur chaud », de sa « droiture… de sa vaillance simple et sans phrases ».

À La Haye lors du congrès de l’Internationale tenu du 2 au 9 septembre 1872 et dans lequel fut acté la rupture entre marxistes et anarchistes, il avait été au nombre des délégués de la Fédération régionale espagnole et avait signé la déclaration de la minorité bakouniniste. À l’issue du congrès, le 15 septembre 1872, il assista à la réunion « antiautoritaire » internationale tenue à Saint-Imier et dont il fut un des trois secrétaires. Le Conseil général « marxiste » l’exclut le 30 mai 1873.

Au printemps de 1873, avec Paul Brousse et en s’adjoignant Camille Camet venu de Zürich, il constitua un « Comité de propagande révolutionnaire socialiste de la France méridionale ». Tous les trois exposèrent leur programme dans une circulaire autographiée — « nous nous placerons sur le terrain de l’an-archie » — et publièrent un journal de langue française : « La Solidarité révolutionnaire » (Barcelone, dix numéros du 10 juin-1er septembre 1873), afin de préparer en France un mouvement insurrectionnel. Mais Brousse se fixa en Suisse, Camet rentra en France et le journal cessa de paraître (J. Guillaume, “L’Internationale”).

Au congrès de Genève, 1-6 septembre 1873 (6e congrès de l’Internationale « antiautoritaire ») Alerini fut, avec Brousse, un des cinq délégués de la Fédération régionale espagnole ; il représenta également la section de langue française de Barcelone et, avec Pindy, Montels et Perrare, plusieurs sections françaises illégales. Avec Farga Pellicer, Vinas, Pindy et Brousse il en profitait pour aller à Berne rencontrer Bakounine.

A son retour en Espagne il se montrait très actif à Barcelone au Centre des Sociétés ouvrières. Par la suite, pendant plus de deux ans, il fut emprisonné à Cadix (Andalousie) où il avait été arrêté lors d’une tournée de propagande. En septembre 1875, à la demande de Bakounine, E. Malatesta alla à Cadix pour organiser son évasion. Mais après que les camarades locaux aient préparé son embarquement et que les gardiens aient été soudoyés, Alerini refusa finalement de partir. Selon Malatesta « Alerini avait peut être une petite amie locale ou était peu enclin à réintégrer la vie révolutionnaire » (cf. M. Nettlau “Errico Malatesta, biographie d’un anarchiste).

C’est encore en prison qu’il apprit la mort le 1er juillet 1876 de Bakounine et qu’il adressa en septembre à J. Guillaume une longue lettre publiée dans le Bulletin jurassien (octobre 1876) sous le titre “Une page de vie de Bakounine”. Lors du 8e congrès de l’Internationale anti-autoritaire tenu à Berne du 26 au 29 octobre 1876 « Viñas but à la santé d’Alerini, l’un des comabttants de la Commune de Marseille en 1870 et 1871, l’un des représentants de l’Espagne au congrès général de 1873, et qui depuis plus de deux ans était enfermé dans les prisons de Cadix avec d’autres martyrs de la cause socialiste » (cf. J. Guillaume, op. cit.).

En avril 1877, avec Pindy, Brousse et Dumartheray, il fit partie du Comité fédéral de la Fédération française de l’AIT qui tint congrès le 19 août 1877.

Charles Alerini, donc l’activité militante semble alors se ralentir, était ensuite parti pour Le Caire (Égypte). Il fut ensuite professeur à Alexandrie où il fut sans doute membre du Cercle européen d’études sociales et où en 1881 il donna deux conférences avec le compagnon italien Ugo Parrini L’Orso qui à cette époque avait fondé une petite imprimerie clandestine (cf. La Protesta umana, 21 novembre 1903).

Gracié de sa condamnation à mort le 17 mai 1879, Charles Alerini rentra en France en 1881 où il fut nommé chef de cabinet de Péricles Grimanelli, préfet dans les Deux-Sèvres et ancien avocat républicain de Marseille qui avait géré son dossier de grâce.De 1181 à 1888, il le suivit dans ses divers postes à Bastia (Corse), Annecy (Haute Sacoie) et Nîmes (Gard) avant d’obtenir en 1888 un poste en Indochine comme administrateur et président d’un tribunal (1900). Selon les postes, il fut juge au civil, et/ou officeir d’État civil, chagé d’établir les budgets et de l’exécution des travaux publics mais aussi de représenter la France auprès des visiteurs occidentaux. Il dénonça également les abus de l’administration, ce dont témoigna son neveu Charles Ozanam : « Comme tous les révolutionnaires, il était un idéaliste impénitent et il s’atait mis en tête de réformer l’administration, d’en dénoncer les abus, ce pourquoi il adressait mémoires et lettres aux gouverneurs généraux… particulièrement avec [Paul] Doumer… »

Charles Alerini, qui s’était marié en septembre 1880 à Alexandrie à Maris- Catherine de la Rocca dont il aura 5 enfants — dont un fils prénommé Alerius —, est décédé en Indochine le 24 juillet 1901 à Vinh (Tonkin) des suites d’un paludisme chronique.


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