Issu d’une famille de dix enfants, Fernand Bellugue fut apprenti mécanicien dentiste, puis représentant en papeterie et librairie, avant de travailler à domicile comme tailleur pour dames, comme son père.
Il commença à militer dans le mouvement syndical en 1911. En 1912, il appartenait à la Jeunesse syndicaliste de Paris 15e et était élu au comité d’entente des Jeunesses syndicalistes de la Seine. Cela le conduisit, en décembre 1912, à être impliqué dans l’affaire du Mouvement anarchiste (voir François Parmeland). Il fréquentait alors les milieux libertaires, pétri des œuvres de Kropotkine et Bakounine, et était membre de la Fédération ouvrière antialcoolique.
Il organisa le premier syndicat de locataires à Paris 15e. Demeurant 15 avenue Duquesne, avec ses sœurs, il était le secrétaire du Comité d’entente des Jeunesses syndicalistes de la Sene. Il travailla dans des maisons de couture, comme chez Paquin où il était, en 1912, le seul syndiqué sur 60 ouvriers. Il subit dès cette époque la répression, allant de contraventions pour défaut de timbres sur des affiches antimilitaristes à des perquisitions et arrestations (huit au total). Poursuivi en application des lois scélérates de 1893-94, il fut défendu par les avocats Berthon et Pierre Laval.
Le 15 décembre 1912, au meeting contre la guerre à la Maison des syndiqués du 15e arrondissement, 18 rue de Cambronne, Fernand Bellugue déclarait que le jour de la mobilisation, les Jeunesses syndicalistes refuseraient de marcher et que la répression devrait inciter à crier « A bas la patrie, à bas le militarisme ». Il déclarait que les Jeunesse syndicalistes tendaient à l’émancipation intégrale de la jeunesse ouvrière et cherchaient à former une nouvelle génération consciente de sa force et de ses droits
Le 18 décembre 1912, lors dun autre meeting contre la guerre, salle du Restaurant coopératif, 49 rue de Bretagne, il avait qualifié l’armée « d’institution infamante » et il s’était écrié : « Nous ne marcherons pas à la mobilisation et il y en a d’autres derrière nous qui ne marcherons pas. A bas le militarisme. Vive l’antimilitarisme et la révolution ! »
Il signa en 1913, une affiche antimilitariste du Comité d’entente des jeunesses syndicalistes et fut inculpé de provocations de militaires à la désobéissance.
Le 7 février 1913, il prit la parole dans un meeting organisé par le Comité d’entente des Jeunesses socialistes de la Seine, à la Maison commune, 49 rue de Bretagne, pour protester contre l’application des lois scélérates aux Jeunesse syndicalistes. Au nom du Comité d’entente des Jeunesses syndicalistes, il déclara que la Jeunesse syndicaliste avait reproduit dans un tract l’article de la revue Le Mouvement anarchiste, intitulé « Le sabotage de la mobilisation », signé par Parmeland, non pour enseigner sur la manière de saboter la mobilisation mais pour protester contre les poursuites intentées contre son auteur (deux ans de prison).
Le 29 mars 1913, dans une réunion des travailleurs de l’habillement, salle des grèves à la Bourse du travail, il préconisa, en cas de grève, le sabotage, pour faire aboutir les revendications ouvrières.
Le 14 juin 1913, il publiait un article intitulé A bas les trois ans, dans le bulletin mensuel Le Cri des jeunes syndicalistes, daté de mai 1913.
Le 23 juin 1913, lors d’un meeting organisé par la Jeunesse anarchiste et la Jeunesse syndicaliste du bâtiment à la Maison commune, 49 rue de Bretagne, Bellugue déclara : « A bas l’armée ! A bas le militarisme. Plutôt l’insoumission que les 3 ans ! »
Le 13 juillet 1913, lors de la manifestation pacifiste au Pré-Saint-Gervais, il fit un appel à la désertion pour les militaires actuellement sous les drapeaux et à l’insoumission pour ceux qui étaient à la veille de leur incorporation « à l’école du crime. »
Il fut délégué au congrès des Jeunesses syndicalistes de la Seine, tenu à Paris les 27 juillet et 10 août 1913, à la Maison des fédérations, 33 rue de la Grange-aux-Belles. Bellugue déclara que le recrutement des Jeunesses syndicalistes devait se faire dans tous les milieux, soit socialistes, soit antimilitaristes : « Ce serait fermer la porte à beaucoup de jeunes que de s’affirmer antiparlementaires… Il faut aussi, laisser venir tous les jeunes dans nos milieux, leur montrer le peu de cas que font les parlementaires des idées de leurs électeurs, et les amener ensuite à ne pas voter. »
A la suite du congrès, il fut en désaccord avec quelques uns de ses camarades et il donna sa démission de secrétaire du comité d’entente, en septembre ou octobre 1913.
Le 14 mars 1914, au meeting organisé à la Maison commune, 111 rue du Château, par l’Union des syndicats de la Seine, il prit la parole, protesta contre le rétablissement de la loi de 3 ans, contre l’état sanitaire de l’armée et réclama la libération des soldats mutins et des détenus politiques.
Pendant la guerre, d’abord ajourné pour faiblesse générale, il fut ensuite affecté dans les services auxiliaires au 12e régiment de cuirassiers. Étant resté en lien avec la CGT, il versa le reliquat des JS de Paris 15e au fonds de secours du comité d’action PS-CGT et assista, parfois en uniforme, aux réunions syndicales. En 1915, il présida une assemblée générale de son syndicat et fut l’objet d’enquêtes sur la base du Carnet B.
Le 29 janvier 1917, il était président de la fête des Jeunesses syndicalistes,
Passé au 9e régiment d’artillerie, il organisait avec la Jeunesse syndicaliste, des promenades à Villacoublay.
Le 13 mai 1917, lors d’une promenade à Val Fleury à laquelle il participait, deux sections de boys-scouts, défilaient drapeau en tête, Galbant, cria : « Aux chiottes » et entonna en russe la chanson du Drapeau rouge. Puis les Jeunesses syndicalistes conspuèrent les boys-scouts et chantèrent L’Internationale.
Le 21 juillet 1917, à Paris (18e arrondissement), il se mariait avec Georgette Polgar dont il se sépara en 1926. Leurs deux enfants vivant avec leur mère.
Le 21 septembre 1917, la commission de réforme le déclara apte à faire campagne. Le 1er octobre 1917, il fut affecté au 64e régiment d’artillerie.
Le 20 janvier 1919, Bellugue fut désigné pour représenter le syndicat général de l’habillement (dont il était secrétaire de la section des couturières et tailleurs pour dames) au sein du Comité des syndicats minoritaires de la CGT.
En avril 1919, il loua un logement, 15 rue Ternaux à Paris (11e arrondissement) où il vivait avec une femme travaillant dans la passementerie
Le 6 mai 1919, au comité intersyndical du 15e arrondissement, il expliqua le rôle duCri des jeunes et que son gérant avait été condamné pour un article publié dans le journal.
Dans Le Libertaire du 6 juillet 1919, il appela les jeunes de venir au syndicalisme pour « y apporter toute leur ardeur libertaire ».
Le 18 juillet 1919, à l’assemblée générale des Jeunesses syndicalistes de la Seine, 18 rue de Cambronne, Bellugue fit vérifier les comptes à la commission du Cri des jeunes, dont Claudine Drouin était nommée trésorière.
Démobilisé en août 1919, il fut quelques mois chômeur et participa à la résurrection des Jeunesses syndicalistes puisque, le 5 septembre il devint gérant du journal Le Cri des jeunes syndicalistes, qui parut pendant un an. Il suivit particulièrement les relations entre les JS de la Seine et celles de province. Le siège et les bureaux du journal étaient situés à la Maison des syndicats, rue de la Grange-aux-Belles.
Le 14 septembre 1919, Bellugue assistait au congrès national des Jeunesse syndicalistes où il demandait que les étudiants socialistes révolutionnaires et les Jeunesses socialistes s’unissent pour lutter contre l’impérialisme et le militarisme.
Le 25 octobre 1919, au meeting en faveur de l’amnistie, tenu salle des Sociétés savantes, Bellugue dénonça la condamnation de Maurice Albert, arrêté lors des manifestations du 1er mai 1919 et condamné à cinq ans de prison.
Depuis octobre 1919, il était domicilié chez son frère 115 rue Danremont (15e arrondissement), avec lequel il travaillait pour le compte de plusieurs grands magasins.
Un rapport de police du 14 mai 1920, notait que Bellugue devait être considéré comme un militant syndicaliste révolutionnaire très actif avec une tendance libertaire bien marquée puisque le milieu des Jeunesses syndicalistes, comme celui des syndicats minoritaires de la CGT, comprenait des militants anarchistes, cependant, il n’était affilié à aucun groupe anarchiste.
Le 15 octobre 1920, en marge du congrès confédéral d’Orléans, il participa à l’assemblée générale de la minorité de la CGT, qui créa les Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR). Il fut alors élu au comité central des CSR.
Hostile à une éventuelle scission confédérale, il déclarait à l’assemblée générale du CSR de l’Habillement, le 6 janvier 1921 : « Au congrès d’Orléans nous nous sommes prononcés, nous minoritaires, contre la scission. C’est pourquoi je vous engage à ne pas la faire aujourd’hui. Nous avons décidé à cette époque de ne plus donner d’argent aux fonctionnaires majoritaires qui sont nos adversaires, mais nous avons reconnu, depuis, qu’il valait mieux rester au sein de la CGT pour la combattre, ou tout au moins pour lutter contre les mauvais bergers qu’elle abrite. » Il fit alors adopter la motion suivante : « Le CSR de l’Habillement s’engage à prendre la carte confédérale de 1921 afin de mieux combattre les parlementaires de la CGT dont la besogne contre-révolutionnaire a été dévoilée, et décide de verser 100 francs au journal La Vie ouvrière qui a toujours soutenu les intérêts ouvriers en signe de protestation contre la fondation du journal Le Peuple par la CGT parlementaire. »
Le 2 avril 1921, il fut élu secrétaire appointé du syndicat de l’Habillement de la Seine, dont la direction se confondait avec celle du CSR de l’Habillement.
Il entra à la commission exécutive des CSR le 31 juillet 1921. Au congrès de la fédération de l’Habillement réuni à Lille du 1er au 4 août 1921, il précisa sa position sur les rapports parti-syndicat : « Je dis que nous n’appartiendrons à aucun parti politique car ceci n’est pas notre conception. Je puis l’affirmer, étant du comité central des CSR. Nous ne disons pas que quelquefois on ne doit pas faire une action en accord avec un parti politique, mais non en liaison permanente. » (c.r. congrès, p. 37).
Après la scission confédérale de décembre 1921, Fernand Bellugue se retrouva à la CGTU dans la tendance Monmousseau, et y fut un des reconstructeur de la fédération de l’Habillement.
En février 1922, il soutint la grève des midinettes de la maison Esders.
Il fut un des représentants de la CGTU au congrès de l’ISR à Moscou en novembre 1922.
En 1923, il était toujours secrétaire du syndicat de l’Habillement CGTU de la Seine, mais non appointé, et anima la grève des midinettes. En 1924, il était de nouveau travailleur à domicile.
L’itinéraire de Fernand Bellugue, désormais affilié au PCF, s’éloigne alors de l’anarchisme. La suite de sa biographie figure dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.
Fernand Bellugue mourut le 29 septembre 1944 au camp de Mauthausen où il avait été déporté en octobre 1943.