Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

DELPECH, Charles, Gaston

Né le 14 novembre 1881 à Cahors (Lot) — ouvrier bijoutier — AIA — CGT — Paris
Article mis en ligne le 5 avril 2016
dernière modification le 8 août 2024

par Guillaume Davranche, ps

Ami de Dubois-Desaulle, Gaston Delpech était inscrit dès avant 1902 au répertoire des anarchistes. En 1902, il fut incorporé au 8e régiment d’artillerie de Bruyère (Vosges) où il se montra très discipliné et, le 30 mai 1905, il fut rayé du répertoire des anarchistes à la demande de son capitaine. Dès sa libération, il reprit néanmoins ses activités politiques et, en octobre 1905, cofonda à Paris la 10e section de l’Association internationale antimilitariste (AIA).

Arrêté en mai 1907, il fut en juin parmi les 12 inculpés — dont Mouchebieuf, L. Coriol, H. turpin — dans l’affaire de l’affiche Aux soldats de l’AIA éditée au printemps et appelant les soldats à ne pas réprimer la manifestation du 1er mai. Au procès le 25 juin, c’est, déclara-t-il, « par un sentiment de modestie » qu’il refusa de dire qui était l’auteur de l’affiche. Il fut acquitté.

À la même époque, il était secrétaire du syndicat des ouvriers bijoutiers. En juillet 1907, il fut élu à la commission exécutive de l’Union des syndicats de la Seine. En août, il intégra le conseil d’administration de la bourse du travail de Paris. La police pensait que son bureau servait de lieu de recel pour les objets volés par Alexandre Cibot, un de ses camarades de l’AIA. Il était en même temps membre du sous-comité parisien des huit heures et de la grève générale.

En mars 1908, Gaston Delpech fut parmi les réorganisateurs de l’AIA. Il en devint le trésorier (avril), tandis que Georges Durupt* en était le secrétaire. Le 8 mars, lors d’un meeting tenu à la Bourse du travail, préconisant l’action directe, il avait déclaré : « Si Marlou 1er [Clémenceau], réussit à mater la classe ouvrière, il peut se faire qu’il se trouve en face d’une tactique autrement dangereuse pour lui. S’il est impossible de faire de la propagande ouverte, il se formera des comités secrets qui sauront agir en conséquence ».

Le 27 mai, lors de la réunion du comité général de l’union des syndicats de la Seine, il proposa que le congrès de la CGT décide un programme de propagande pour que « Le prolétariat organisé réponde à un ordre de mobilisation par la grève générale et l’insurrection ».

Le 23 juillet 1908, il prit la parole au meeting que l’union des syndicats de la Seine consacra aux événements de Draveil-Vigneux. Il y déclara qu’il faudrait faire sauter les ponts et détruire les moyens de communication pour empêcher la concentration des forces armées. Quelques jours avant, le 2 juillet, à un meeting de l’AIA, sur ces mêmes événements de Draveil, il avait engager ses camarades à s’armer et à répondre aux balles par des balles.

Le 7 août, lors d’un meeting tenu rue Blomet, il fit adopter un ordre du jour où les travailleurs réunis déclaraient que « Le seul moyen d’arriver à leur émancipation est de déclarer la grève générale et, qu’en cas de guerre, ils répondront à l’ordre de mobilisation par une déclaration de grève générale ». Dans une autre réunion le 20 septembre, il appela les jeunes conscrits à désobéir et, en cas de guerre et de grève générale, les soldats à « passer avec armes et bagages dans les rangs des révolutionnaires ». Dans La Guerre sociale du 23 septembre il fut le signataire de l’article “Avant le congrès de Marseille”, incitant les militaires à la désobéissance. Le 11 novembre suivant, lors d’un meeting de l’Union des syndicats de la Seine, après avoir démontré l’utilité de l’antimilitarisme dans les syndicats, il avait fait adopter l’ordre du jour suivant : « Les assistants approuvent les décisions du congrès de Marseille, s’engagent à continuer la propagande antimilitariste et à décréter la grève générale en cas de guerre ».

Le 6 décembre 1908, à la Maison des fédérations à Paris, Gaston Delpech fonda un groupe « anarcho-hervéiste » fortement antimilitariste nommé Jeunesse syndicaliste révolutionnaire (non reconnu régulièrement par la CGT). Selon la police ce groupe compta jusqu’à une cinquantaine d’adhérents.

À l’époque, Delpech siégeait au comité confédéral de la CGT au titre des bourses du travail de Montauban et de Cahors. Le 11 décembre 1908, il fut élu à la commission des grèves et de la grève générale de la CGT par la section des bourses du travail.

Le 27 décembre 1908, il remplaça Durupt au secrétariat de l’AIA, et Maurice Violette en devint le trésorier. Delpech prônait alors l’insoumission et la désertion aux jeunes, et, pour ceux qui voulaient leur service, la propagande antimilitariste au régiment. Selon la police il avait été chargé avec Violette de la correspondance avec les jeunes soldats. À la même époque, Gaston Delpech était membre du Comité de défense sociale (CDS), chargé d’aider les victimes de la répression gouvernementale.

En avril 1909 il participa au congrès fondateur de la Fédération révolutionnaire (FR) avec Belin, Violette, René de Marmande et François Cuisse. La Jeunesse syndicaliste révolutionnaire s’inséra alors dans la FR. Un rapport de police le présente comme un des principaux animateurs de la nouvelle organisation, bien que ne figurant pas dans son comité fédéral.

En mai et le 18 avril, Delpech intervint dans la grève des boutonniers de l’Oise avec Violette et de Marmande.

À l’aube du 11 juin 1909, son domicile fut perquisitionné dans le cadre de l’enquête sur la vague de sabotages contre les lignes télégraphiques et téléphoniques. Il habitait alors 27, rue des Trois-Bornes, à Paris 11e. Deux jours plus tard, le 13 juin, il devint permanent au conseil d’administration de la bourse du travail, et co-secrétaire de la bourse avec Bled.

Le 25 juin il participa au meeting tenu à la salle des sociétés savantes par le CDS où, comme R. de Marmande, Delallé, Déchiron et d’autres il dénonça vigoureusement l’attitude du journal L’Humanité qui avait refusé d’insérer les communiqués du CDS et de la commission d’administration de la Bourse du travail au prétexte que les « conseillers municipaux y compris socialistes y étaient traités de saltimbanques de la politique » et appela au boycott du journal.

Le 10 juillet 1909, au meeting organisé rue de la Doaune par le Comité de défense sociale, il protesta contre le gouvernement qui envoyait des mouchards dans toutes les réunions et désigna le commissaire du quartier du Jardin des plantes, présent à la réunion, qui fut violemment frappé par un assistant.

Le 2 octobre 1909 il prit la parole, au nom de la FR, à un meeting antimilitariste à la coopérative L’Églantine parisienne, avec Almereyda, François Marie et Lucien Métivier.

En janvier 1910, Delpech était secrétaire de la commission administrative de la bourse du travail de Paris. Il fut alors inculpé, le 21 janvier, avec Maurice Violette, Louis Garreau (de la Fédération du papier) et Robert Marceau (de la Jeunesse syndicaliste) pour avoir incité à la désertion le soldat Gosset. Il bénéficia d’un non-lieu le 28 avril et témoigna au procès Garreau-Violette-Marceau le 10 juin devant le tribunal correctionnel.

À l’occasion des législatives d’avril-mai 1910, il soutint la candidature de Jean Allemane, ce qui marqua son éloignement de l’anarchisme.

En octobre 1910, il fut délégué au congrès de Toulouse de la CGT par le syndicat des ouvriers d’industrie de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie de Paris. Il y présenta le rapport du comité des grèves et de la grève générale, qui confessait l’inactivité ou l’activité chaotique de ce comité depuis le congrès de Marseille. Au début des années 1910 il était le secrétaire adjoint du syndicat ouvrier de l’industrie du bijou.

Le 25 novembre 1910, il prit la parole dans un meeting du CDS salle du Libre-Échange, rue Brochant, en défense du soldat Louis Lecoin aux côtés de Léon Jouhaux, Travers et Dubosc.

A l’été 1911, lors de réunions ou dans les colonnes de La bataille syndicaliste, il continuait de défendre l’idée de grève générale et la propagande antimilitariste.

Le 1er septembre 1911, il donna sa démission de secrétaire du conseil d’administration de la bourse du travail.

Le 22 septembre, il prit la parole au nom du syndicat des Bijoutiers dans un meeting contre la guerre organisé par les Charpentiers, Serruriers, Menuisiers et Bijoutiers dans la cour de la Maison des fédérations, impasse de la Grange-aux-Belles.

En février 1912, il fut membre, au titre de l’union des syndicats de la Seine, de la commission d’organisation des obsèques d’Aernoult, qui rassemblait également des délégués de la SFIO et du CDS. En août 1912, il donna sa démission de secrétaire de l’union des syndicats de la Seine. La revue Le Mouvement anarchiste applaudit et écrivit : « Bon voyage, F∴ Delpech. Si seulement tous ses F∴ en faisaient autant ! » »

Lors de la guerre, il était domicilié 37 rue de l’Orillon (CIe arr.) et fut réformé n°2.

Œuvre : L’affaire Rousset-Aernoult, procès Sabatier, Casanova, Beignier, le meurtre Brancoli [publié] sous les auspices des loges L’Évolution économique et Étienne Marcel, Courbevoie, La Cootypographie, 1912, 24 p.