Eliska Cooquus dite Bruguière (ou Brugnière) était la compagne de l’anarchiste Paul Vincent Chabart dit L’architecte, et fut dans les années 1890 militante anarchiste, amour libriste et conférencière à Paris et sa région.
En 1890, Tournadre, Rozier et Lamarre fondèrent la Fédération des Jeunesses révolutionnaire-socialiste. Tournadre laissa un jour une cinquantaine de cartes d’adhésion au bureau du Père Peinard, les cartes furent distribuées à des sympathisants, la Fédération compta 50 anarchistes de plus, mais « l’invasion » ne se fit pas sans protestations, malgré la présidence donnée au chien de Pol Martinet.
Un soir, on vit arriver chez le mastroquet qui servait de siège aux jeunes, « le bataillon des amazones anarchistes, conduites par leur véritable chef de file, la superbe et solide Eliska ». Toutes les compagnes libres avaient été mobilisées, elles déclarèrent qu’elles ne se donneraient qu’à un homme libre, un compagnon. La Fédération fut « domptée » par les compagnes : Fortuné (Henry, semble-t-il), Champan, passèrent avec armes et bagages à l’anarchie.
Le 1er novembre 1890, en compagnie de Pol Martinet de Paris, de Paul Martinet de Troyes et de Leboucher, elle fit une conférence à Troyes sur le suffrage universel et le parlementarisme, autorité et liberté. Elle parla « des gens sans aveu, démontrant que ceux à qui l’on donne l’épithète de SANS AVEU sont les victimes de l’état social ; qu’ils ont besoin, autant que quiconque, de la révolution et qu’il ont le droit et le devoir de se mêler au mouvement révolutionnaire. Elle démontra encore que les vrais gens sans aveu sont les hommes que le peuple a déjà, sottement, nommés et ceux qui, pour l’avenir, se préparent ses suffrages ».
Elle fut imprimeur-gérante du journal L’Anarchie de Pol Martinet, paru en 1890-1891.
Dans la nuit du 17 au 18 avril 1891, deux ouvriers portant des paquets d’affiches anarchistes furent arrêtés boulevard Sébastopol. Au cours de l’instruction, la police apprit que le placard, intitulé Armée coloniale avait été commandé par Eliska Bruguière. Le texte disait : « Simples soldats, l’enfant du travailleur est conduit à la caserne, pris à son père, afin que si le père bouge, il soit assassiné par son fils » Elle comparut le 27 mai devant la cour d’assises avec les colleurs d’affiches (Mursch, Chenal et Sluys), lors de l’audience Martinet déclara qu’il était l’auteur de l’affiche, l’affaire fut renvoyée le 13 janvier 1892. Au début de l’audience Martinet plaida l’incompétence du tribunal qui devrait, pour être compétent, siéger « en perruque et sans robe rouge ». Le tribunal rejetant les conclusions de Martinet, les inculpés se retirèrent et firent défaut. Martinet fut condamné avec Chenal à un an de prison et Eliska Bruguière à 3 mois. Le 9 mars 1892, sur leur opposition au jugement, la cour condamna Martinet à 6 mois de prison et acquitta Eliska Bruguière.
Le 28 avril 1892 Tournadre fut condamné par défaut à 6 mois de prison, pour un article paru dans La Lutte, dont il était le gérant, diffamant l’administrateur du bureau de bienfaisance du 18e arrondissement. Tournadre fit opposition à ce jugement mais sans respecter les formes requises, le précédent jugement fut confirmé. Tournadre avait souhaité se faire défendre par une femme, il avait chargé Eliska Bruguière de cette fonction, elle assista à l’audience, une serviette sous le bras, attendant que le président lui permette d’affirmer les droits de la femme au profit de l’accusé mais l’opposition étant rejetée, elle n’eut pas à intervenir.
Le 2 juillet 1892, lors d’une réunion en faveur de Ravachol tenue salle du commerce devant environ 500 personnes venues écouter Louiche, Michel Zévaco, César Prenant, Leboucher, Fortuné Henry et Jacques Prolo, elle était montée à la tribune pour déclamer un hommage à Ravachol représenté comme un martyr de la société.
En 1892-1893, elle faisait souvent, à la fin des réunions, des collectes au profit des femmes et des enfants de détenus politiques.
Eliska Bruguière semblait à cette époque avoir été une conférencière assez recherchée, témoin la démarche accomplie par les compagnons de Reims en avril 1893. Leprêtre écrivit plusieurs fois au Père Peinard en vue d’obtenir deux conférenciers, n’ayant pas eu de réponse, un émissaire fut envoyé à Paris. On lui répondit que les compagnons étaient trop occupés en ce moment et on ajouta que « La compagnonne Eliska ne faisait plus de conférences et qu’il était inutile de compter sur elle pour l’avenir ». Effectivement le 4 août 1893, on la retrouva à Londres, logée chez Marc Dupont, 29 Alfred Place. La police ignorait ce qu’elle venait y faire.
Un rapport de police du 16 août 1893 indiquait que « Eliska et Chabard retourneront (à Paris) dans 2 ou 3 jours ».
En 1897, aux cotés notamment de Mary Huchet, elle participait à Paris aux réunions du groupe féminin adhérent à l’Internationale scientifique.
Elle épousa le syndicaliste révolutionnaire Robert Louzon, de vingt ans son cadet, le 6 octobre 1908 à la mairie du XVe arr. de Paris. La couple s’installa en Tunisie en août 1913 et exploita plusieurs propriétés agricoles. Dans un premier temps, Robert et Eliska Louzon ne firent pas remarquer par des idées révolutionnaires. La police note cependant, en juin 1914, la présence depuis sept mois de l’anarchiste Hélène Lecadieu. La police s’inquiéta d’une carte postale envoyée d’Allemagne représentant un ouvrier « s’enfuyant, cheveux hérissés » avec au second plan des inscriptions politiques. Cependant, les personnes qui côtoyaient le couple dans la région de Zaghouan qualifiaient Louzon de “pondéré”, “patriote” et “sans aucune idée révolutionnaire”.
La propriété où le couple Louzon vécut le plus longtemps à El Aouina (à 9 kilomètres de Tunis) était d’aspect modeste, entourée d’un jardin d’agrément et de quelques hectares
Le couple s’investit dans la naissance du Parti communiste en Tunisie au début des années 1920. Les services de la Sûreté interrogèrent Louzon, un “individu suspect” fréquentant des “communistes de toute nationalité”. La police présentait Madame Louzon comme « Ida Crémière », « très connue à Paris pour ses idées anarchistes ». On revoie son nom en février 1922, dans une fiche de police consacrée à son époux alors incarcéré pour attaque par voie de presse contre le pouvoir de la République, sous le nom d’“Elisa Brugnière”. Sa présence aux réunions communistes est régulièrement confirmée.
Elle aurait eu une activité notable au sein du Parti communiste de Tunisie jusqu’en 1923. Un indicateur de police signale que le 14 février 1922, elle s’entretint avec deux militants communistes avant d’entrer dans la prison ; à sa sortie elle leur déclara : “dès aujourd’hui je prends la place de mon mari qui m’a chargé de le remplacer”. Elle présida de février à avril plusieurs réunions dont certaines eurent lieu à El Aouina. Elle séjourna à Alger en mai 1922 pour assister aux débats du procès de son époux défendu par l’avocat André Duran-Angliviel. Une lettre de sa main fut lue lors d’une réunion à l’imprimerie dont Robert Louzon était propriétaire. Sans doute retourna-t-elle à Paris car de passage à Tunis elle donna des nouvelles du comité directeur de la SFIC à propos de la date du prochain congrès de la Fédération de Tunisie. La police pensait qu’elle pourrait y participer comme représentante du PC. Elle arriva en Tunisie le 23 décembre 1922 et logea dans des hôtels. En janvier 1923, la police qui surveillait ses déplacement, affirmait que sa demeure principale avait été vendue. Ses bagages à l’hôtel indiquaient une adresse en Champagne. Le 3 février 1923, quatre militants communistes l’accompagnèrent au bateau en partance pour Marseille.
On ignore son destin à partir de cette date après laquelle elle se serait vraisemblablement installée en Champagne.