Cousin de la famille Ascaso Abadia, Joaquin Ascaso Budria avait commencé à militer dès l’âge de treize ans et comme apprenti maçon avait adhéré au syndicat CNT de la construction de Saragosse.
On connait mal sa trajectoire sous la dictature de Primo de Rivera : membre du groupe anarchiste Los Inomables avec notamment Ramon Andres Crespo, il avait collaboré à plusieurs reprises avec les groupes d’action Los Solidarios et Nosotros aux côtés de Durruti, Francisco Ascaso et Garcia Oliver. Il semble que pour échapper à la répression il soit passé en France vers 1924 et qu’il ait travaillé à Marseille comme électricien dans une usine.
Rentré en Espagne à la proclamation de la république (1931), il fut membre au printemps du comité des Jeunesses révolutionnaires de Saragosse, l’un des animateurs avec Miguel Chueca et Ramon Andres des manifestations de chômeurs en août. En octobre 1931 il fut nommé président du syndicat CNT des maçons et fut détenu à plusieurs reprises en 1931 et 1932, année où avec Jacinto Santaflorentina Lopez et Felipe Orquin Aspas, il mit sur pied une commission pour obtenir la réouverture du syndicat de la construction fermé par les autorités.
Selon certains, il aurait été d’octobre à décembre 1933 responsable du Comité national de la CNT avant d’être remplacé par Miguel Yoldi. Il représenta l’Aragon au Comité National révolutionnaire lors de l’insurrection de décembre 1933, ce qui lui valut d’être emprisonné à Saragosse, puis à Burgos jusqu’en avril 1934. Pendant toute cette période il défendait les thèses de Juan Garcia Oliver sur la “gymnastique révolutionnaire” et s’opposait aux thèses modérées de Miguel Abos. A cette époque il collabora également à plusieurs titres de la presse libertaire dont CNT, Germinal (Elche) et Liberacion (Barcelone).
A Barcelone où il se trouvait en juillet 1936, il participait aux combats de rue puis était parti pour le front d’Aragon d’abord dans la Colonne Durruti puis dans la Colonne Sur-Ebro d’Antonio Ortiz Ramirez, et où dès le 25 juillet il était responsable du Comité révolutionnaire à Caspe.
Il fut avec Francisco Carreño délégué des colonnes au plenum extraordinaire de la CNT d’Aragon, Rioja et Navarre tenu à Bujalance le 6 octobre 1936 auquel participèrent des délégués de 139 villages et des colonnes confédérales ; il y participa à la rédaction de la motion, adoptée à l’unanimité, créant le Conseil de défense d’Aragon dont il fut élu président aux côtés notamment d’Evaristo Viñuales Larroy, Miguel Chueca Cuartero, Adolfo Ballano Bueno, Miguel Jimenez Herrero, Luis Montoliu Salado et Francisco Ponzan Vidal. Le conseil présidé par J. Ascaso fut officiellement ratifié le 23 décembre et comprenait alors 12 conseillers : 6 de la CNT, 2 de l’UGT, 2 d’Izquierda Republicana et 1 communiste.
Le 7 août 1937 suite à l’offensive au printemps 1937 des troupes communistes de la 11e Division de Lister contre les collectivités en Aragon, il participait au plenum national de régionales, tenu à Valence, pour décider de l’attitude de la CNT face aux agressions des staliniens en Aragon et à la possible élimination du Conseil. Il s’y prononça pour la résistance aux pressions et manœuvres des communistes et en assumer toutes les conséquences, mais fut désavoué par le secrétaire du Comité national Mariano Rodriguez Vazquez et le secrétaire du Comité national de défense arguant qu’on ne pouvait rien faire face aux forces gouvernementales et communistes et qu’il était préférable de perdre momentanément l’Aragon. Ascaso accusera plus tard ces responsables de « mensonges absurdes que seuls des agents de Moscou pouvaient défendre ou proposer » et les rendra directement responsables de la dissolution du Conseil.
Quelques jours plus tard, le Conseil d’Aragon était dissous par le gouvernement républicain d’Azaña et Ascaso, qui s’apprêtait à revenir à Caspe était arrêté le 11 ou 12 août avec plusieurs autres responsables de la CNT — dont Francisco Muñoz Laviñeta, Miguel Vallejo Sebastian et Manuel Lopez — et fut détenu 32 jours sous l’accusation de « trafic de devises et évasion de capitaux » suite à l’arrestation début 1937 à la frontière française du trésorier et d’un membre du Comité national de la CNT — Maximo Peris Garcia et Aurelio Pernia Alvarez — porteurs d’une importante quantité de bijoux et d’or (estimés à 700.000 pesetas) devant être vendus en France, affaire qui fut alors utilisée par les communistes et le gouvernement pour accélérer l’offensive contre le Conseil d’Aragon.
Ascaso, qui n’avait rien à voir dans l’affaire, accepta l’inculpation au nom de la « responsabilité militante » et pour dégager la responsabilité de la CNT signa une fausse déclaration affirmant qu’à l’automne 1936 le Conseil d’Aragon avait remis au secrétaire du Comité national une certaine quantité d’or et de bijoux pour que par l’intermédiaire des ministres de la CNT, le gouvernement républicain autorise leur vente en France et l’achat en échange de machines agricoles et de produits dont l’Aragon avait besoin.
Au bout d’un mois de détention et des démarches effectuées à Valence par Antonio Ortiz, Ascaso avait été libéré à la mi-septembre sans qu’aucun procès n’ait été instruit contre lui, mais aussi sans que le Comité national de la CNT n’ait lancé une campagne d’information interne pour informer les militants et ainsi sauver la réputation d’Ascaso et d’Antonio Ortiz Ramirez relevé du commandement de la 25e Division début septembre qui devinrent alors suspects pour une partie de la militance.
Ascaso gagna alors Barcelone où, sans ressources, il allait survivre dans une grande misère, aidé seulement par Ortiz et des compagnons aragonais attendant en vain pendant plusieurs mois que la CNT lui confie une mission.
En février 1938 Garcia Oliver chargeait Antonio Ortiz, avec l’aide de Joaquin Ascaso, d’organiser une unité spéciale de guérillas, pour lequel ils firent plusieurs voyages au Levant, Andalousie, Estremadure et sur le front d’Aragon avant que le projet soit abandonné à la suite de la chute du gouvernement de L. Caballero. Tous deux s’intégraient alors à la 24e Division où début juillet 1938, après avoir été relevés de leurs responsabilités, ils furent convoqués au siège de l’État Major à Barcelone. Suspectant un guet-apens communiste et craignant une liquidation — dont ils avaient été informés par divers canaux —, ils décidaient alors de déserter et de passer immédiatement en France avec plusieurs autres compagnons.
Dans la nuit du 5 juillet, Joaquin Ascaso, Antonio Ortiz Ramirez, Martin Terrer Andrés capitaine de la section d’opérations de la 24e Division, Valeriano Gordo Pulido capitaine de la section de renseignement, Amfonso Dominguez Navasal lieutenant de la section de renseignement, Emilio Mañez Zaragoza lieutenant adjoint et Jacinto Santaflorentina entraient en France par le col de Bouet près d’Andorre, suivi dans la soirée du 7 juillet d’un autre groupe formé de Salvador Vicente Pino, Felix Albert, Pedro Gisbert et Ramon Negre Bas. Arrêtés par la gendarmerie, transférés à Foix, puis à Bayonne où ils furent interrogés par le 2e Bureau. Joaquin Ascaso, qui fut alors identifié comme un parent de Francisco Ascaso, fut transféré sous bonne garde à la Préfecture où le 11 juillet 1938 il fut, comme ses camarades, qualifié « d’anarchiste très dangereux » et l’objet d’un arrêté d’expulsion par le préfet des Basses-Pyrénées.
Suite à l’intervention d’un député de l’Ariège, franc-maçon, qui en 1936, dans le cadre du Front populaire, avait visité la 25e Division et le Conseil d’Aragon, il fut alors assigné à résidence à Mende (Lozère) tandis que ses compagnons étaient assignés dans divers départements. A Mende il résidait à l’hôtel Brager avec sa compagne Anita Mayayo (née le 3 août 1917 à Samper de Calandra) et leur enfant né le 3 août 1938 à Perpignan. La police signala sa disparition de Mende le 5 septembre pour une destination inconnue tandis que sa compagne était arrêtée le lendemain à Perpignan où elle s’était rendue et où elle fut mise en garde à vue.
Parallèlement certains responsables de la CNT — dont Miguel Garcia Vivancos qui avait remplacé Ortiz à la tête de la 25e puis de la 24e Division — considérant leur désertion comme une trahison, ordonnèrent leur capture et leur exécution, tant et si bien qu’Ortiz et Ascaso furent les victimes début septembre à Marseille, où ils étaient allés pour tenter d’y obtenir des papiers pour s’embarquer pour les Amériques, d’une tentative d’empoisonnement à l’arsenic par Justo Bueno un membre du réseau d’espionnage de la CNT qui surveillait les deux compagnons et interceptait leur correspondance. Malades plusieurs jours, les deux compagnons survécurent avant d’être arrêtés à l’Hôtel Saint-Georges, rue Thubanneau, le 10 septembre 1938 par la police française, puis détenus jusqu’en avril 1939 à Aix-en-Provence sous la menace d’une demande d’extradition du gouvernement républicain espagnol, à la demande, semble-t-il, du Comité national de la CNT.
Depuis la prison Ascaso avait écrit plusieurs lettres à Louis Lecoin pour qu’il intervienne auprès du Comité national de la CNT afin de pouvoir s’expliquer et une lettre ouverte à l’anarchisme international expliquant son activité en Espagne et les raisons qui l’avaient amené à passer en France. Cette dernière lettre fut envoyée à Émilienne Morin, la compagne de Durruti, qui devait la diffuser, mais qui, craignant les conséquences de sa publication dans cette période tellement critique pour le mouvement libertaire, avait décidé de la garder en attendant un moment plus propice. Finalement ce sera Ascaso lui-même qui en août 1939 la rendra publique à Paris avec une note additionnelle.
Le 8 avril 1939, au lendemain de leur libération et date à laquelle la République espagnole avait été vaincue par les franquistes, les deux hommes avaient gagné Paris où Ascaso avait tenté en vain d’obtenir de Mariano Rodriguez Vazquez, secrétaire du Conseil général du Mouvement libertaire, une réunion pour se justifier des fausses accusations dont il avait été victime. Les comités responsables de l’organisation lui refusèrent comme à Ortiz toute aide, Federica Montseny ayant même déchirés les formulaires d’obtention de visas qu’ils avaient obtenu au consulat du Panama en disant « Ceux-là ne sont pas de la CNT ». Il résidait à cette époque avec Ortiz chez Mlle Chameau, 6 rue Villaret de Joyeuse, 17e arrondissement. En juillet 1939, le ministre de l’Intérieur demandait qu’ils soient immédiatement conduits dans les Pyrénées-Orientales pour y être internés au camp du Barcarès.
Ascaso aurait été employé à cette époque à la société Hispano confédérale jusqu’au 5 septembre où il gagna Bordeaux pour tenter de s’embarquer pour Saint-Domingue, ce qu’il ne put faire en raison de la déclaration de guerre. Il alla alors en Eure-et-Loir où il parvint à obtenir un laissez-passer. Il avait alors pour compagne une certaine Gisèle. Début 1940 il travaillait comme chauffeur de camions pour un minotier de Coudray (Eure-et-Loir). Le 7 janvier 1940 il fut arrêté à Chartres pour « infraction à arrêté d’expulsion » et détenu à la maison d’arrêt locale où il se trouvait toujours en avril 1940.
Joaquin Ascaso parviendra ultérieurement à émigrer aux Amériques, d’abord en Bolivie (1947) puis au Vénézuéla (1948) où il continuera d’être isolé et critiqué par ses anciens compagnons de la CNT, tant du secteur orthodoxe que du secteur collaborationniste et où avec notamment Ortiz et Valeriano Gordo Pulido il sera dans les années 1960 l’organisateur du groupe Fuerza Unica.
Responsable d’un grand magasin de meubles de Caracas, il alla ultérieurement au Chili où il travailla pour un laboratoire pharmaceutique plusieurs années avant de revenir à Caracas où, ne trouvant plus de travail, il connut plusieurs années très difficiles.
Joaquin Ascaso Budria est décédé à Caracas le 12 mars 1977 dans une telle misère que quatre compagnons durent se cotiser pour son enterrement.
Œuvre : — Discurso del presidente del Consejo de Aragon (Ed. Nuevo Aragon, 1936).