Charles Anderson étant orphelin de père (artisan tailleur suédois) et de mère à l’âge de quatre ans, ce furent des oncles et tantes du côté maternel qui s’occupèrent de lui jusqu’en 1918 puis il vécut seul à Paris dans le quartier des Ternes.
Il connut divers emplois : commis d’un inspecteur des contributions indirectes, apprenti dans une fabrique d’horlogerie électrique d’où il fut renvoyé à la suite d’une grève à laquelle il avait participé, ouvrier dans une usine d’armement, figurant à l’Opéra et au Théâtre français avec Sarah Bernard.
Il fut une première fois arrêté près de la place de la République le soir de la manifestation du 1er mai 1919. Trouvé en possession du journal Le Libertaire, il fut inculpé de « rébellion et de violence à agents » et déféré devant le 4e conseil de guerre. Sur l’intervention de son cousin, sous-officier médaillé, il s’en tira avec quinze jours de détention, peine qu’il accomplit à la prison de la Petite-Roquette.
Il quitta peu après le quartier des Ternes pour habiter celui de la butte Montmartre avec son cousin ; celui-ci s’étant marié, Anderson s’installa dans une petite chambre du boulevard Gouvion-Saint-Cyr.
À la fin de 1919, à l’occasion des élections législatives, il s’intéressa vivement à la campagne électorale et suivit les réunions socialistes où il entendit des militants en vue, Arthur Groussier et Marcel Cachin entre autres.
Il prit, en 1920, sa première carte syndicale à l’Union des mécaniciens de la Seine, et, la même année, fut licencié à la suite des grèves des usines Citroën. Il exerça encore divers métiers et devint en 1926 correcteur d’imprimerie.
À la fin de 1920 — il avait dix-huit ans — Anderson fut conquis par l’anarchisme après avoir assisté à une conférence de Sébastien Faure. Adhérent du groupe libertaire de Levallois, il fut délégué au congrès de l’Union anarchiste qui se tint dans cette ville, les 2, 3 et 4 décembre 1922. Cette même année, il était devenu membre de la CGTU constituée en juin au congrès de Saint-Étienne.
Déçu par les dissensions qui affectaient le mouvement anarchiste, il fonda avec Lucien Haussard, Content et Kléber Nadaud le journal L’Idée anarchiste, « tribune où, librement, tous les points de vue, toutes les tendances de l’anarchisme pourraient s’exercer » ; le n° 1 parut le 13 mars 1924, et le dernier, le n° 13, le 15 novembre 1924. L. Anderson y fut l’auteur de la traduction des articles de Rudolf Rocker intitulés « Le Nationalisme et la réaction moderne » publiés dans les numéros 2 à 4.
Lors d’une sortie champêtre à Trelles (? Presles ?) au printemps 1926, Anderson avait sauvé de la noyade le militant d’origine juive Schwartzbard ; c’était quelques jours avant que ce dernier ne tue le responsable ukrainien Petlioura, auteur de plusieurs pogroms.
Au retour de son service militaire, effectué au 510e régiment de chars à Mayence, il connut “une période de sommeil” qui se prolongea pendant plusieurs années. C’est à Lecoin qu’il dut de reprendre une activité de militant anarchiste et, de 1932 à 1939, il dirigea Le Libertaire, hebdomadaire de l’Union Anarchiste où en 1931 il tenait la chronique “Le liseur”.
Il fut admis au syndicat des correcteurs d’imprimerie le 1er janvier 1928, et fut élu membre du Comité syndical en 1932 ; il le demeura jusqu’en 1937-1938.
Il demeurait à l’époque 136 rue Ordener (Paris 18) et travaillait comme correcteur au journal Le Soir.
Début 1933 il avait été chargé par Louis Lecoin de rédiger une série d’articles traitant de l’amnistie suite à la constitution par l’Union anarchiste et la Fédération Anarchiste française d’un Comité pour l’amnistie la plus large. Ce comité avait pour but d’obtenir la libération de tous les détenus et insoumis pour faits relatifs à la première guerre mondiale, ainsi que celle des objecteurs et des militants politiques poursuivis en vertu des « lois scélérates ». Une feuille spéciale intitulée L’Amnistie avait été tirée en janvier à 40.000 exemplaires et des meetings seront organisés tant à Paris qu’en province.
Au lendemain de l’émeute fasciste du 6 février 1934, Anderson représenta, avec Frémont, Faucier et Lecoin, l’Union anarchiste à la réunion que tint à son siège la direction de la CGT et, le 12 février, l’Union anarchiste participa à la grève générale. Les mêmes militants s’associèrent, au cours de l’été, au Centre de liaison et de coordination des forces antifascistes de la région parisienne, estimant que « pour le quart d’heure, le plus important, le plus pressé » c’était de « barrer la route au fascisme » (Le Libertaire, 12 juillet 1935) et les anarchistes prirent part, avec leurs syndicats respectifs, à la grande manifestation antifasciste du 14 juillet. Mais, dès le mois suivant, ce fut la rupture ; le Front populaire, « union sacrée avant la lettre », parut condamnable aux anarchistes tant sur le plan extérieur que sur le plan intérieur, et à l’issue de l’expérience, ils jugeaient qu’il avait été « La plus grande duperie de l’histoire ouvrière de l’après-guerre » (Le Libertaire, 20 janvier 1938).
Lors du congrès de l’Union Anarchiste Communiste les 20-21 mai 1934 à Paris (dit congrès de l’unification) il avait été nommé à la rédaction du Libertaire où il sera l’auteur de la plupart des éditoriaux.
En 1935 il était membre de la Phalange de soutien au libertaire (versement hebdomadaire d’un soutien financier).
Le 26 avril 1936 il avait été candidat abstentionniste lors des élections législatives dans le XVIIIe arrondissement.
Dès les premiers temps de la guerre civile espagnole, « guerre libératrice et sainte » selon Sébastien Faure (Le Libertaire, 31 juillet 1936), les anarchistes estimèrent, quand se posa le problème de l’intervention ou de la non-intervention gouvernementale, que devait s’exercer, non une solidarité de gouvernement à gouvernement, mais la solidarité de la classe ouvrière française à l’égard de la classe ouvrière espagnole. Aussi, jugèrent-ils que Léon Blum, chef du gouvernement, agissait « de façon honorable » en se ralliant, début août, à la politique de non-intervention (Le Libertaire, 11 septembre 1936). Lashortes, militant connu, intitulera un article, dans le même numéro du journal : « Bravo Blum » ce qui ne fut pas sans provoquer quelques remous. Anderson, alors responsable du Libertaire, déclara à ce sujet : « Si j’avais été là, cet article n’eût pas paru, du moins avec ce titre ou sous cette forme maladroite. »
Anderson se rendit à plusieurs reprises en Espagne, en mai-juin 1936 où il avait rencontré David Antona au Comité National de la CNT, puis pendant la guerre civile, à Barcelone fin novembre 1936 à l’occasion des obsèques de Durruti où, avec Frémont, il était délégué de l’Union anarchiste, en mars 1938, pendant les bombardements de Barcelone où il tenta d’inverser la décision du gouvernement de refuser les visas à la délégation de la SIA qui cherchait à rencontrer Negrin, et en 1939 enfin, lors de l’évacuation vers la France de la colonie d’enfants de Llansa gérée par la SIA.
Lors du congrès tenu les 30-31 octobre 1937, il fut nommé membre de la Commission administrative en tant que rédacteur du Libertaire avec T.Rollet, N. Faucier, H. Guérin, F. Servant et M. Duviquet.
En 1938, au moment de “Munich”, Anderson fut condamné avec R. Frémont, Scheck, trésorier de l’Union anarchiste, Vintrigner, N. Faucier et L. Lecoin, à six mois de prison pour avoir rédigé un tract pacifiste et pour des articles parus dans Le Libertaire et SIA. Les inculpés ayant fait appel, l’affaire traîna jusqu’à la déclaration de guerre et la condamnation fut alors levée.
Lors du congrès tenu le 19 mars 1939 par la fédération parisienne de l’UA auquel étaient représentés 30 groupes, il s’opposa notamment avec Barzangette et Pedron à Charles Laisant, du groupe d’Asnières, qui proposait un « front libertaire » réunissant l’UA, la FAF et la CGTSR. La motion de Laisant ne recueilli que 5 voix et fut repoussée par 24 voix. A cette même époque il aurait démissionné de son poste de rédacteur du Libertaire — pour se reposer — où il aurait été remplacé par Doutreau.
En juillet 1939 “Ander” se brouillait avec Lecoin et refusait de continuer à collaborer au journal SIA (n°1, 10 novembre 1938) qui selon plusieurs témoignages, aurait été fondé par Lecoin avec de l’argent envoyé par les libertaires argentins et destiné aux réfugiés espagnols. Il était toujours membre de la commission administrative de l’UA avec entre autres René Frémont (secrétaire), André Scheck (trésorier), Roger Boutefeu dit “Coudry”, Émile Brière, Nicolas Faucier, Henri Guérin, François Mahé, Raphael Pedron, René Ringenbach “Ringeas”, Raymond Rollet “Tellor” et Fernand Vintrigner.
Mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale — il arrivera avec huit jours de retard hésitant jusqu’au dernier moment sur l’attitude à prendre —, il fut fait prisonnier le 20 juin 1940 lors de la percée allemande. Transféré en Allemagne il était interné à Ludwigshafen, près de Mannheim, d’où, après huit mois de captivité il parvenait à s’évader le 20 février 1941, puis à regagner la France. Il se réfugiait ensuite à Lyon où il travaillait comme correcteur à l’édition lyonnaise de Paris-Soir. Il y fréquentait les militants anarchistes locaux « Les uns, dont j’étais, révisaient leurs positions politiques antérieures et, sans jamais verser dans le chauvinisme anti-boches, admettaient que la résistance et le rejet de l’occupant devaient passer au premier plan. » En contact avec la résistance il « rédigeait en avril 1942 pour le compte du MOF de Léon Jouhaux, trois tracts pour le premier mai qui ont été transmis à Henri Guérin, lequel d’ailleurs sera arrêté au cours de l’été 1944 et décédera pendant son transfert en déportation en Allemagne. »” (témoignage d’Anderson à R. Bianco, février 1985). Arrêté en juin 1942 en tentant de franchir la ligne de démarcation à Buxy, près de Chalons, il était condamné en octobre par les Allemands à six mois de prison qu’il accomplit à Chalons-sur-Saône, à Dijon et au fort d’Hauteville dont il sera libéré le 20 décembre 1942.
Après la guerre, Louis Anderson ne reprit pas contact avec le mouvement anarchiste, tout en continuant à s’affirmer libertaire.
Il habitait Villejuif et figurait toujours en 1950 sur les listes de vérifications des domiciles des anarchistes de la préfecture de police.
Il était père de trois enfants dont un fils né en 1944.
Dans les années 1980 il était en contact avec le CIRA (Marseille) auquel une partie de ses archives ont été déposées.
Louis Anderson “Ander” est mort le 29 décembre 1992 à Sarcelles (Val-d’Oise).